L’œil de l’expert

L'ŒIL

Le 1 avril 2003 - 692 mots

350 000 €
Triomphe de l’archéologie orientale au cours de ce mois de février. Ce support aux cervidés fut acquis par un collectionneur étranger, mais, souligne avec plaisir l’expert Annie Kévorkian, « l’un des enchérisseurs les plus importants au cours de ces ventes était français ». Le support, qui servait sans doute à soutenir un grand plateau, dépassa largement les 280 000 € atteints par la base préemptée par le Louvre le 30 septembre dernier. « Quatre bases de ce type sont connues au monde. Iconographiquement moins riche que celle du Louvre (la base ne représente pas une scène avec des humains et des animaux mais une file de cervidés), elle est plus élégante. Ce ne sont pas des tiges issues du corps des animaux qui maintiennent les anneaux du support, mais des croisillons entre chaque cervidé. » Autre record, une divinité de Bactriane adjugée 300 000 €, nouvelle préemption du Louvre. « C’est une des plus belles divinités représentées assises. Le Louvre possède une de ces figurines, debout ; son kaunakès est stylisé différemment. »
- Boisgirard et Associés, 26 février.

16 500 €
La qualité de cet ensemble de Louis de Clercq explique le succès international d’une vente, qui attira un abondant public de collectionneurs et de musées français et étrangers. C’est un collectionneur parisien qui acheta le négatif Ruines et Palmiers.
« La vente confirme que le négatif doit être considéré comme une œuvre d’art à part entière », explique l’expert Arnaud Delas. « Le négatif est une œuvre unique, originale. Moins sensible à la lumière que le tirage photographique, il est plus fragile mécaniquement, cassable. » L’intérêt spécifique de ces négatifs est l’originalité du travail de Louis de Clercq. « Peu de photographes ont réalisé un ensemble de cet ampleur sur le Moyen-Orient.
Son travail sur les kraks des Chevaliers est remarquable.
Il manifesta une très grande maîtrise technique, en réalisant des panoramas en quatre ou cinq planches, dont nous n’avons pas pu conserver les négatifs. Ses cadrages témoignent d’une vision très moderne de l’architecture. »
Les estimations de départ se justifiaient par l’absence de références dans un marché jusqu’alors peu connu. « Un ensemble de négatifs de Murray sur l’Inde avait été vendu en Angleterre, mais ce n’était pas le même sujet, ni le même format. » La vente de Chartres est donc un bon repère.
- Galerie de Chartres, 26 janvier.

35 000 €
Une représentation exceptionnelle d’Avalokiteçvara selon l’expert Jean-Luc Estournel. Iconographie rarissime, « le seigneur qui regarde avec compassion » est figuré en attitude de délassement, en appui sur un bras, l’autre étendu le long de sa jambe et tenant un chasse-mouche. « Au premier regard la statue évoque l’art pala-sena de l’Inde (chignon aux tresses enchevêtrées, lotus…). Elle est plus gracieuse que les archétypes indiens. Comme si l’on avait insufflé à une statue indienne une carnation typiquement népalaise, le modelé de son corps et de son visage, la perfection des détails trahissent la main d’un artiste de tradition néware (de la vallée de Katmandou). Ce que confirme l’alliage à forte teneur en cuivre. » L’origine de ce métissage troublant est le royaume de Khasa-Malla. « Entre 1150 et 1350, explique l’expert, les Khasa-Malla régnèrent sur une large part de l’Himalaya occidental. Situé sur un axe commercial et sur une route de pèlerinage, ce royaume prospéra grâce aux taxes prélevées sur la circulation des marchandises.
À l’époque des invasions musulmanes, artistes et moines s’y réfugièrent, influençant la création locale. L’iconographie, très rare (le chasse-mouche n’existe pas dans les œuvres tibétaines), l’inclusion d’un élément  en argent (les crins du chasse-mouche), la beauté de l’œuvre qui appartenait à un ensemble plus grand, indiquent qu’elle a été réalisée pour un souverain. Dynastie encore mystérieuse, les Khasa-Malla ont été mieux connus grâce à de rares statues en bronze comportant des inscriptions dédicatoires royales. Leur influence sur l’art tibétain classique, encore méconnue, est liée aux donations, à l’envoi d’artistes aux grands monastères du Tibet central. » Cette œuvre, provenant d’une collection française, fut achetée pour un amateur étranger. « Nous sommes heureux de pouvoir encore vendre des œuvres de cette qualité en France », conclut l’expert.
- Cornette de Saint-Cyr, 28 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°546 du 1 avril 2003, avec le titre suivant : L’œil de l’expert

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