Wayne Fischer, porcelaine palpitante

L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 373 mots

La galerie Pierre présente depuis plusieurs années les meilleurs artistes français et européens dans
le domaine de la céramique contemporaine de collection. Elle expose actuellement les œuvres de Wayne Fischer, sculpteur d’origine américaine vivant en France depuis 1986, qui a su rapidement captiver l’attention par la nature singulière de son travail. Sa créativité indépendante et sa maîtrise technique ont été remarquées lors de manifestations internationales. Plusieurs institutions américaines et le musée des Arts décoratifs à Paris ont acquis ses œuvres. Avec de grands volumes en porcelaine, Wayne Fischer exprime toute l’ambivalence de la vie, entre sensualité et morbidesse, de germinations rassurantes en dérèglements ténébreux. Ses préoccupations atypiques dans
le paysage céramique français rejoignent pourtant un goût du fantastique et de l’anticipation étonnamment palpable au cœur de l’art et du design actuel : formes visqueuses mais compactes de Matthew Barney, fascination pour l’univers médical et les métamorphoses du corps chez Orlan, images de synthèse entièrement tournées vers l’imaginaire du jeune designer Ora-Ïto, inspiration toujours plus organique des créations de Philippe Starck ou de Marc Newson... Chez Wayne Fischer, l’esthétique est en accord total avec la fluidité et la mémoire inscrites au cœur du matériau porcelaine : les plaques sont façonnées sur des formes souples puis assemblées en volumes par des raccords expressifs, à la manière de replis de peau ou de cicatrices. Les cavités intérieures vertigineuses (étranges tympans auriculaires, vulves ou matrices) sont exécutées au tour indépendamment et raccordées en doubles parois aux volumes. Creux et bosses sont accentués par des projections de fines couches d’émail en dégradés irisés. Après cuisson, le sablage complet et un ponçage patient font affleurer une glaçure tout en craquelures. Entre matité et transparence, chaque pièce devient comme un fossile précieux en état de latence. La texture douce évoque certes l’épiderme humain, mais veines bleutées et nodules nerveux, muscles et os sous la peau ont cessé d’être rassurants : on y trouvera des coïncidences troublantes avec l’univers cinématographique de David Cronenberg, où la menace larvée vient de l’intérieur de nos corps et de leurs possibles inexploités ou incontrôlables. Autant de raisons d’accourir à cette exposition pour saluer un itinéraire aussi déroutant que somptueux.

PARIS, galerie Pierre, 22 rue Debelleyme, IIIe, tél. 01 42 72 20 24, 29 avril-28 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Wayne Fischer, porcelaine palpitante

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