L’œil de l’expert

L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 685 mots

9 400 €
« Dieu de la purification associé au soleil, Xipe-Totec était célébré, après les fêtes de la pluie, lors de la cérémonie “Tlacaxipehualitzi” consacrée au renouveau de la nature, rappelle l’expert Jacques Blazy. Cérémonie au cours de laquelle des combats opposaient des guerriers armés, vêtus en aigle ou
en jaguar à des prisonniers munis d’armes factices. La peau des prisonniers sacrifiés était portée par des pénitents, qui s’en revêtaient pendant vingt jours et distribuaient les insignes aux guerriers. La peau adhérant au torse sculpté avec réalisme est reconnaissable aux coutures, sur la poitrine et dans le dos, et aux bourrelets autour du cou et des poignets. La plus belle de ces rares représentations se trouve au Brooklyn Museum, où le corps de Xipe-Totec est entier. » Ce document étonnant fut adjugé, au double de son estimation, à un collectionneur allemand. Les objets entourant ce rituel étaient présentés à l’exposition londonienne consacrée aux Aztèques, contemporaine de la vente, au cours de laquelle l’intérêt des collectionneurs européens, frileux, se concentra sur les pièces intermédiaires.
- Binoche, 5 mars.

324 252 €
Ces vases au destin mystérieux portent la marque de Qianlong, empereur lettré épris d’art, collectionneur de peintures légendaires. La forme cong, liée à la terre, qui apparaît dans les jades du troisième millénaire et le décor des huit trigrammes Yi-Qing du Livre des Mutations sont classiques. « Forme, décor et couverte turquoise, unis à la marque Qianlong font la rareté de cette paire, exceptionnelle au premier regard », explique l’expert Thierry Portier. Un article paru dans Libération le 5 mars avait annoncé le souhait du Programme de récupération des reliques culturelles chinoises perdues de reprendre possession de la paire. Elle provenait, selon les autorités chinoises, du pillage, par les armées anglaise et française, au cours de la seconde guerre de l’Opium en 1860, du Yuanminyuang, palais d’été des empereurs Qing près de Pékin. Malgré les efforts du musée d’Art Poly, créé par un groupe industriel chinois, dans un but voisin de celui des autorités : reconstituer
un patrimoine disparu, ils furent adjugés à un collectionneur de Hong-Kong. Achetés en 1965 à un marchand de Londres, ils appartenaient à une collection française. « Leur provenance impériale ne fait aucun doute. Mais les empereurs commandaient aux ateliers des milliers de pièces. La corruption ayant de tout temps régné dans l’administration des palais, elles pouvaient aussi bien être subtilisées par un eunuque, une courtisane, que par un mandarin » rappelle l’expert.
- Piasa, 7 mars.

353 820 €
« L’inventaire, classique, avait commencé à 19 h 20, explique le commissaire-priseur Alain Leroy. Vers 22 h, mes yeux se portent sur ce guéridon… Le modèle est connu, et on l’associe immédiatement à Weisweiler. Après avoir longuement cherché, je découvris la trace de l’une des deux estampilles. De nombreux guéridons ont ainsi été réalisés, avec des variantes de forme, de placage, de décor. Ils révèlent la créativité du marchand-mercier Dominique Daguerre, dont les modèles furent exécutés par Weisweiler. Conservé aux Arts décoratifs, le dessin de l’un de ces guéridons porte l’inscription “les bronzes argentés Skawronsky ”. On n’avait pas encore retrouvé trace de sa réalisation. Singularité du guéridon découvert, ses colonnettes en bronze argenté. Elles étaient habituellement dorées, pour protéger le bronze de l’oxydation, comme celles d’un guéridon semblable, conservé à l’Ermitage. Moins luxueux, celui-ci, correspondant sans doute au modèle du dessin, devait être destiné à un aristocrate russe de la suite de Paul Ier, le comte Skawronsky. » En 1782, il accompagne en Europe le grand duc et son épouse. Sur leur route, le magasin du fameux Daguerre, que la baronne d’Oberkirch, amie de la grande duchesse, décrit dans ses mémoires. Un témoignage du rôle des marchands-merciers, dans la diffusion du goût français dans l’Europe des Lumières. Elle y décrit aussi la belle comtesse Skawronsky, dont madame Vigée-Lebrun fit le portrait. « Dominique Daguerre était le représentant de Wedgwood en France, rappelle Alain Leroy. Le guéridon est orné de médaillons dont la thématique, anglaise, est consacrée à l’amour. Sans doute l’amour du comte pour son épouse, une des plus jolies femmes de la cour. »
- E & VE, 12 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : L’œil de l’expert

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