L’Art déco du XXe siècle chez Sotheby’s

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 683 mots

La vente d’une partie de la collection de Karl Lagerfeld, organisée le 15 mai prochain par Sotheby’s, intervient à un moment où le marché de l’Art déco est plus sélectif que jamais.

Après avoir vécu en toute intimité avec ses objets, Karl Lagerfeld se déleste de ses favorites d’hier en vente publique. Dans cet esprit, il avait cédé entre 2000 et 2001 chez Christie’s son mobilier xviiie, une sélection de tableaux anciens, le contenu de sa résidence de La Vigie à Monaco et une petite palette d’arts décoratifs du xxe siècle, l’ensemble pour une valeur proche de 33 millions de dollars. L’esthète se montre d’ailleurs versatile dans le choix des maisons de vente. Sotheby’s, qui avait déjà dispersé sa ludique collection de meubles « Memphis » en 1991, est chargée aujourd’hui de ce nouveau pan de sa collection d’art décoratif du XXe siècle. La première vacation, effectuée en 1975 sous la houlette de l’étude Audap-Godeau-Solanet, révélait un goût encore balbutiant. On y trouvait beaucoup d’objets décoratifs, notamment de la verrerie de Jean Luce, plusieurs vases du dinandier Jean Dunand, des meubles d’intérêt moyen dans le goût de Ruhlmann. Chez Christie’s, il avait choisi de disperser des objets de charme, souvent anonymes.
La sélection que propose Sotheby’s est de loin la plus rigoureuse.
« Il s’agit d’une vision pointue et professionnelle de vrai collectionneur », insiste la galeriste Cheska Vallois.
Sotheby’s a fait preuve de prudence en demandant aux galeries dont les pièces sont issues de les authentifier. Armée de certificats et de provenance irréprochable, cette vente affiche aussi des estimations raisonnables et, cerise sur le gâteau, l’absence de prix de réserve. Forte de ces amorces en direction d’une clientèle incertaine et sélective, cette vacation ne sera peut-être pas hypothéquée par la frilosité ambiante. Certains grimacent devant la fraîcheur relative des pièces, acquises pour la plupart ces cinq dernières années. Ce qui n’entame en rien leur extrême qualité. La vente présente une cinquantaine de pièces de Jean-Michel Frank, principalement des lampes. Un tel regroupement soigneusement authentifié est rare. Des doutes avaient plané sur l’authenticité d’un tabouret gainé de parchemin modèle Diabolo proposé par Christie’s en mai 2000. Il a dès lors stagné à 30 500 ! alors que dans la même vente un tabouret similaire, ratifié par le marché, a dépassé les 150 000 !. De la série Diabolo, ce sont deux tables en chêne cérusé qui seront proposées par Sotheby’s entre 50 000 et 80 000 !. Pour la même estimation, on trouve une table basse aux pieds ananas en chêne cérusé. Un tel modèle s’était déjà vendu à plus de 60 000 ! en 1993 chez Ader-Picard-Tajan. La vente compte aussi un ensemble d’inspiration africano-cubiste de Marcel Coard provenant de l’ancienne collection du frère de Jean Cocteau, comme une table ronde en chêne cérusé estimée 20 000 à 30 000 !. Estimation on ne peut plus tempérée car Marcel Coard a connu ces dernières années une véritable envolée de ses prix jusqu’à la consécration en juin dernier avec l’adjudication de 550 000 ! pour un bureau en placage de Macassar chez Camard & Associés. Parmi les pièces présentées, certaines s’avèrent de qualité musée. C’est le cas d’une coiffeuse en bois laqué noir plaqué de galuchat par Pierre Legrain, proposée entre 200 000 et 300 000 !. Les amateurs se disputeront sans doute les petits objets extrêmement raffinés. La vente compte huit grès émaillés (entre 5 000 et 25 000 !) de Séraphin Soudbinine, un céramiste rarissime puisque seule une cinquantaine de pièces sont répertoriées. Des vases et coupes de Jean Besnard et Émile Decoeur sont aussi au programme ainsi que des pièces d’Henri Simmen et Eugénie O’Kin. On trouvera notamment un petit pot couvert en grès émaillé corail provenant de l’ancienne collection Andy Warhol. Ce joyau de subtilité avait été adjugé 6 325 $ le 23 avril 1988. On le trouve aujourd’hui proposé entre 10 000 et 15 000 !

PARIS, Sotheby’s, collection Karl Lagerfeld, 76 rue du Faubourg Saint-Honoré, VIIIe. Exposition du 12 au 14 mai de 10 h à 18 h ; vente le 15 mai à 14 h 30.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : L’Art déco du XXe siècle chez Sotheby’s

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