« Résister se conjugue toujours au présent »

Par Emilie Oursel · L'ŒIL

Le 4 décembre 2007 - 395 mots

Lucie Aubrac aimait à dire que « le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent ». Les propos de cette résistante de la Seconde Guerre mondiale semblent avoir frappé l’histoire, comme en témoigne la nouvelle exposition « Forms of Resistance », présentée au Van Abbemuseum, à Eindhoven.

Le musée y soulève la question épineuse de l’engagement politique des artistes du xixe siècle à nos jours, à travers plus de deux cents œuvres. Le champ est large, mis en perspective à travers quatre grands faits historiques : la Commune de Paris en 1871, la révolution russe de 1917, Mai 68 et l’après 11 Septembre 2001. Gustave Courbet ouvre le bal. Il a été un membre actif de la Commune, avant de s’exiler en Suisse, pour échapper à une condamnation l’obligeant à dédommager le démantèlement de la colonne Vendôme (Lire L’œil n° 596).

Allant de l’art réaliste au conceptuel en passant par le suprématisme de Malevitch, l’exposition, telle une vaste agora, dévoile et débat des différentes luttes pour la liberté d’expression. On découvre ainsi certains grands noms de l’art de la controverse, comme l’artiste allemand Hans Haacke, qui a été plusieurs fois censuré. En 1974, par exemple, l’artiste imagine l’installation Manet 74 pour une exposition au Wallraf-Richartz-Museum, à Cologne en Allemagne, afin de dénoncer l’acquisition faite par le musée d’un tableau d’Edouard Manet, offert par un donateur au passé nazi. L’œuvre de Haacke est retirée de l’exposition. Aujourd’hui, l’artiste présente But I Think You Question My Motives (1978-79), traitant de la compagnie Philips.

Les artistes témoignent, critiquent, mettent en joue à leur manière les enjeux actuels. Ainsi le collectif canadien General Idea expose sa sculpture publique dédiée au sida, laquelle a été érigée en 1997 dans les rues de Toronto (Canada). Les Danois Superflex, de leur côté, diffusent de la bière gratuite pour braver la législation draconienne sur l’alcool au Danemark.

Sans prendre parti, l’exposition rappelle que l’art contemporain a surgi au XIXe siècle avec la volonté des créateurs de s’engager socialement et de faire de l’art le fer de lance d’une nouvelle société. La question de savoir si l’art a gardé ou non sa capacité d’avant-garde taraude les esprits, même si les artistes, au-delà de tout jugement, démontrent ici leur art de la jurisprudence.

« Forms of Resistance », Van Abbemuseum, Bilderdijklaan 10, Eindhoven (Pays-Bas), tél. 00 31 40 238 1000, www.vanabbemuseum.nl, jusqu’au 6 janvier 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : « Résister se conjugue toujours au présent »

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