Les vies difficiles des automobiles

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 4 décembre 2007 - 532 mots

Tantôt malmenée, tantôt bichonnée, la voiture, ce symbole du fantasme masculin, s’expose à la customisation, au détournement, au bricolage... quand elle tombe entre les mains des artistes.

Instrumentalisée par un musée en quête d’élargissement de son public, « Pleins phares » résiste tant bien que mal de par la cinquantaine d’œuvres choisies. Séquencée en plusieurs blocs, l’exposition opte pour une lecture anthropomorphe de l’automobile, naissance, enfance, adolescence, âge adulte, déclin et disparition comprise.
Une opération généraliste pour un sujet qui libère pourtant une kyrielle de points d’accroche : vitesse, fétiche, modernité, production et consommation de masse, tôle froissée, design ou virilité masculine, que le mythe s’épuise ou se rejoue, une chose est sûre, les artistes n’en ont pas fini avec le volant.

Le tuning façon artistes contemporains
À Mulhouse, se déclinent quelques bolides bricolés ou customisés, dont les enjeux jouent des partitions bien distinctes : Ford T, icône de la standardisation construite en version artisanale par Xavier Veilhan, réplique scrupuleuse et cartonnée de l’hyper-gadgetisée Aston Martin DB5, Porsche 944 multicolore convertie en habitacle nomade par Frédéric Vaësen, rendue blanche et furtive une fois lancée à pleine vitesse. Chez Bossut, la voiture désossée se fait ruine contemporaine rongée de mauvaises herbes, tandis que chez Panamarenko, la mécanique se rêve poétique.
Thermo Photovoltaic energy converctor (2001) expose une hypothèse de croisement entre formule 1, fragile véhicule militaire et prototype futuriste sérieusement écolo. Au rayon voiture viennent encore l’espiègle procession d’AéroFiat bricolées par Alain Bublex ou l’Aronde Simca glissée dans une gaine de nylon noir et reprogrammée en haut-parleur profilé par Nicolas Floc’h et mis en son par Jérôme Poret (voir p. 80).

L’automobile, objet de toutes les psychanalyses
Au fond, c’est à l’après-fétichisation de la voiture que s’attellent la plupart de ces artistes, quitte à rendre les derniers honneurs au fétiche. Pierre Giner ne lui laisse plus qu’un jeu vidéo tronqué dans lequel la voiture du joueur ne peut que se fracasser, tandis que Valérie Belin cadre froidement en un noir et blanc baroque et sophistiqué des épaves broyées.
Le parcours associe encore deux vidéos jouissives et emblématiques : la première signée Sylvie Fleury cadre jambes fuselées et talons aiguilles dans la scène culte du lavage de la voiture. L’image dit une chose et son envers, déboulonnant la voiture comme étendard viril en même temps qu’elle singe l’association fantasmatique de la femme comme objet sexuel et de la voiture comme objet mâle.
À ses côtés, la vidéo de Franck Scurti enfonce le clou, qui filme avec Dirty Car un jeune garçon et sa belle bagnole rouge dans la même scène de lavage. À la différence près qu’il nettoie l’objet de son désir en léchant chaque centimètre de la carrosserie adorée, entre rituel coupable, scène de pornographie et plaisir voyeuriste du spectateur.

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Pleins phares, art contemporain et automobile », jusqu’au 31 janvier 2008. Commissaire”‰: Fabienne Fulchéri. Cité de l’automobile, Musée national, Collection Schlumpf, 192, avenue de Colmar, Mulhouse (68). Jusqu’au 7 janvier 2008, ouvert tous les jours de 10 h à 17 h, à partir du 8 janvier 2008, de 13 h à 17 h la semaine et de 10 h à 17 h le week-end. Tarifs”‰: 10,50 € et 8 €. Tél. 03”‰89”‰33”‰23”‰21/23, www.collection-schlumpf.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Les vies difficiles des automobiles

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