Art moderne

Hodler, la forme et l’idée

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 4 décembre 2007 - 673 mots

Portraitiste sans concession et paysagiste hors pair, Ferdinand Hodler fut considéré de son vivant comme l’un des chefs de file de la modernité. L’artiste suisse, né à Berne en 1853, mort à Genève en 1918, a connu une carrière européenne fulgurante, voguant de succès en scandales, enchaînant commandes officielles et l’exclusion des sociétés artistiques allemandes. La rétrospective que lui consacre le musée d’Orsay vient deux ans après l’acquisition d’une toile majeure du maître, Le Bûcheron (1910, voir p. 21). Surtout, elle couronne celui qui ouvrit un pont entre symbolisme et expressionnisme au nom de la vision intérieure.

L’œuvre de Ferdinand Hodler (1853-1918), forte d’une très abondante production, témoigne des influences reçues dès sa période de formation. Orphelin de père à sept ans, de mère à quatorze, il fait son apprentissage, de 1868 à 1870, auprès du peintre réaliste Ferdinand Sommer. Puis, il est très fortement marqué par les œuvres des Suisses François Diday et Alexandre Calame, peintres de paysages alpestres.

Pendant ses années de formation, Hodler découvre Holbein, Raphaël et Velázquez
Installé à Genève dès 1872, il suit l’enseignement de Barthélémy Menn, un élève d’Ingres et ami de Corot. Les différents voyages qu’il fait à Bâle en 1875, à Madrid en 1878-1879 puis à Munich en 1881 sont pour lui l’occasion de découvrir aussi bien Holbein que Raphaël, Velázquez que Dürer. Il s’en forge une vision mêlée d’idéalisme et de réalisme qui le fait hésiter quant à l’orientation à prendre, mais le fait de passer au fil du temps de sujets observés à des motifs davantage imaginés signe le camp qu’il rejoint.
En 1884, sa rencontre avec le poète symboliste genevois Louis Duchosal, grand admirateur de Baudelaire et de Wagner, le conforte dans ses choix. Par ailleurs la vénération qu’il porte à Puvis de Chavannes l’encourage à réaliser d’immenses compositions murales et à user des formes et des couleurs comme d’autant d’éléments décoratifs.

Peu apprécié en France, il mène une carrière européenne entre succès et scandales
Dans les années 1890, Ferdinand Hodler participe à l’aventure symboliste. La présentation de son tableau La Nuit au Salon du Champ de Mars à Paris en 1891 fait d’autant plus sensation qu’il a été interdit d’exposition pour motif d’obscénité à Genève.
Mais son excès de stylisation empêche Hodler de faire carrière en France. La manière à laquelle il s’applique – qui préfigure l’expressionnisme  – y passe pour trop audacieuse. Ses figures, ses portraits et ses paysages usent en effet de tons colorés, de formes géométrisées et élémentaires d’une forte puissance expressive. Il en est ainsi de son Faucheur (1894), voire de ses nombreux autoportraits, un genre qu’il a régulièrement pratiqué.
Membre des grandes Sécessions, Hodler mène une carrière européenne, jalonnée de succès et de scandales, et voit son œuvre saluée à Vienne, Berlin et Munich. Une importante exposition lui est ainsi consacrée en 1904 dans la salle d’honneur de la Sécession viennoise et d’importantes commandes lui sont passées par les villes de Zurich, Genève, Iéna ou Francfort. Ce sont là autant d’occasions pour lui d’expérimenter son goût pour une peinture simplifiée, monumentale et décorative.
En 1914, comme il dénonce les pilonnages effectués par l’artillerie allemande contre Reims, Ferdinand Hodler est exclu, en guise de représailles, des sociétés artistiques allemandes. Très affecté par la maladie puis par la mort de sa maîtresse Valentine Godé-Darel en 1915, Ferdinand Hodler, qui était marié depuis 1898 à Berthe Jacques, meurt le 19 mai 1918 à Genève laissant derrière lui une œuvre qui fait de lui l’un des piliers de la modernité suisse.

Biographie

1853 Naissance de Ferdinand Hodler à Berne. Il deviendra orphelin à 14 ans. 1891-1892 La Nuit est saluée par Puvis de Chavannes et Rodin. Les Âmes déçues est l’attraction du premier Salon de la Rose-Croix. 1900 Sa fresque La Retraite de Marignan, à Zurich, marque le renouveau de la peinture murale et impose le nom de l’artiste en Europe. 1914 Dénonçant les pilonnages de l’artillerie allemande à Reims, Ferdinand Hodler est exclu des sociétés artistiques allemandes. 1918 Hodler s’éteint à Genève. Il lègue à la postérité 50 autoportraits.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Hodler, la forme et l’idée

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