Propagande artistique

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 4 décembre 2007 - 361 mots

Editorial - On pensait obsolète la propagande d’État par les arts. Il n’en est rien. Prenons la Russie et la Chine, deux grandes nations dotées d’un riche patrimoine artistique et d’un ego tout aussi développé. Fin 2005, dans la perspective d’un G7 exceptionnel organisé à Saint-Pétersbourg, les autorités russes avaient autorisé la sortie de plusieurs trésors nationaux, tels les œufs de Fabergé, pour une exposition célébrant la Russie éternelle – inaugurée par Poutine himself –, dans le cadre du festival Europalia en Belgique.
Deux ans plus tard, ces mêmes autorités interdisent la sortie du territoire d’œuvres contemporaines attentatoires à l’image de leurs pays. Il ne faut d’ailleurs pas prêter trop d’attention à ces quelques pièces censurées que l’on ne verra pas à l’excellente exposition de la Maison rouge sur le Sots Art (p. 42). Leur charge critique ne dépasse pas le premier niveau sur l’échelle de la dénonciation. Pensez, deux policiers russes en train de s’embrasser, c’est gentillet à côté de Gilbert et George. Et puis, de toute façon, ces œuvres ont déjà été exposées à Moscou et sont largement diffusées à l’extérieur du pays.

Mais il y a chez nos amis russes un certain amateurisme qui contraste avec la promotion sophistiquée par la Chine de son patrimoine et de sa création artistique. Obnubilé par la gigantesque opération de relations publiques que sont les prochains Jeux olympiques, l’empire du Milieu prête ses joyaux, les guerriers de l’armée en terre cuite de l’empereur Qin Shihuangdi au British Museum (p. 94) et à la Pinacothèque de Paris. Dans le même temps, consciente des enjeux économiques de l’art contemporain, la Chine encourage ses jeunes artistes et facilite le négoce de leurs œuvres qui atteignent maintenant des sommets en ventes publiques.
Il n’y aurait rien à redire à ce que ces pays utilisent leur art à des fins de promotion – la France est coutumière du fait –, si cela ne masquait pas des régimes autoritaires (la Russie) ou antidémocratiques (la Chine). Il serait évidemment simplet de bouder l’exposition du British Museum pour cause de droits de l’homme bafoués, mais il importe d’avoir conscience de la situation et de la rappeler, chacun à son niveau.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Propagande artistique

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