Sélection de pavillons étrangers

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 2003 - 885 mots

Jana Sterbak / pavillon canadien
Installations, objets, vidéos, films, les œuvres de Jana Sterbak fonctionnent comme des microcosmes dramatiques dont le corps est tout à la fois le sujet et le vecteur. L’image photographique de son Generic Man (1989), vu de dos, crâne rasé, la nuque frappée d’un simple code barre est emblématique de sa manière. Née à Prague en 1955, Jana Sterbak a immigré et adopté le Canada au moment des événements de 1968, puis elle a vécu à New York et à Paris. Elle partage aujourd'hui son temps entre Montréal et Barcelone. Le fait que le musée d’Art contemporain de Montréal l’ait choisie pour représenter le Canada à la cinquantième Biennale de Venise est signe de l’esprit d’ouverture d’un pays dont la tolérance multiculturelle est connue. Fort d’un puissant sentiment sur la condition humaine, l’art de Sterbak cultive ironie et gravité en quête d’une forme de communication contemporaine qui en appelle aux matériaux et aux dispositifs les plus divers. L’œuvre vidéographique que l’artiste présente à Venise et qui est dédiée à Joseph Brodsky est l’occasion de prendre toute la mesure de la diversité et de la complexité de son travail.     Ph. P.
- Le pavillon canadien est situé dans les Giardini.

Pedro Cabrita Reis / pavillon portugais
Des constructions élémentaires faites de matériaux basiques, livrées à toutes sortes d’expériences perceptuelles : l’œuvre de Pedro Cabrita Reis, qui représente le Portugal à la Biennale, témoigne d’une nécessité à habiter l’espace. Plâtre, aluminium, goudron, bois, tubes de néon, verre sont employés par l’artiste à la réalisation de structures brutes dans un état apparent d’inachèvement. Leur principe de fabrication laissé à vue les renvoie à l’ordre d’éléments d’architecture expérimentaux dans un rapport spécifique à l’espace environnant. Intéressé par tout ce qui touche à « l’acte de construction », Pedro Cabrita Reis, né en 1956 à Lisbonne, investit ses œuvres d’une dimension duelle en relation d’une part avec la notion générique de territoire, celui de l’homme par rapport au monde, de l’autre avec l’idée d’une appropriation de l’espace. D’un point de vue purement abstrait, les œuvres de Cabrita Reis peuvent être perçues comme les structures archétypales d’un monde métaphorique, voire poétique, s’interrogeant sur la place de l’humain.  Ph. P.
- Le pavillon portugias est installé sur la Giudecca dans les Antichi Granai.

Olafur Eliasson / pavillon danois
À l’heure où les œuvres fondées sur l’expérience physique du spectateur tournent dans le vide et tombent bien trop souvent dans le spectaculaire gratuit, la démarche d’Olafur Eliasson offre une réflexion scientifique et artistique qui a toutes ses chances et toutes les raisons d’être récompensée cette année à Venise. Pour son « pavillon aveugle », l’artiste danois d’origine islandaise compte bien mettre nos sens en alerte dans une expérience totale faite de miroirs, de kaléidoscopes, d’escaliers et de plans d’élévation interrompus, de chambres obscures et de flash stroboscopiques. À l’extérieur comme à l’intérieur, le pavillon danois promet d’être complètement métamorphosé pour donner libre cours à la réalité extravagante mais éclairée d’Eliasson. Entre architecture, sciences physiques et phénomènes naturels, le « pavillon aveugle » cristallise tous les centres d’intérêt d’un artiste pour qui le spectateur n’est pas une menace mais plutôt un cobaye dont les réactions sont des atouts de poids. Thème cher à sa recherche, la désorientation offre une lecture riche et réfléchie de la thématique générale de la Biennale et laisse présager que le pavillon danois sera un des pôles des
jardins vénitiens.     B. R.
- Le pavillon danois se trouve dans les Giardini.

Patricia Piccinini /pavillon australien
Construire une nouvelle famille, celle du futur, avec tout ce qu’elle comprend de manipulations génétiques, d’améliorations biologiques et de corrections de défauts, peut conduire aussi bien au plus alarmiste des constats comme au plus délirant des cauchemars. Ce rêve, Patricia Piccinini, trente-sept ans et prophète en son lointain pays, le met régulièrement en scène à travers la confrontation de nos conceptions du naturel et de l’artificiel. Sur fond de débat éthique et de questions fondamentales – Qu’est-ce qui constitue l’être humain aujourd’hui ? Qui sommes-nous ? Qu’est-ce qu’une famille ? Qui est normal ? – Piccinini nous invite dans sa nouvelle maison peuplée de gamins ridés aux cheveux gris, d’une nouvelle race de mères et d’animaux non identifiables, aux histoires d’ADN et de mutations inquiétantes. L’artiste n’entame pas de procès unilatéral et réactionnaire contre la science, car elle en connaît l’issue stérile, mais elle attend le spectateur pour entamer avec lui un dialogue qu’elle imagine davantage salvateur.    B. R.
- Le pavillon australien est dans les Giardini.

L'exposition

- 50e Biennale de Venise, « Rêves et Conflits, La Dictature du spectateur », de 10 h à 18 h, les jardins sont fermés le lundi, l’Arsenal, le mardi, le musée Correr est ouvert tous les jours, du 15 juin au 2 novembre. Réservations et informations tél. 39 041 522 1317, wwwlabiennale.org - Jardins « Retards et Révolutions », pavillon italien, Francesco Bonami et Daniel Birnbaum. « La Zone », Massimiliano Gioni et A12. - Arsenal – Corderies « Clandestins », Francesco Bonami. « Lignes de failles », Ginale Tawadros. « Systèmes individuels », Igor Zabel. « Zone d’urgence », Hou Hanru. « La Structure de survie », Carlos Basualdo. « Représentations arabes contemporaines », Catherine David. « Le Quotidien altéré », Gabriel Orozco. « Station Utopie », Molly Nesbitt, Hans-Ulrich Obrist, Rirkrit Tiravanija.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°548 du 1 juin 2003, avec le titre suivant : Sélection de pavillons étrangers

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