Un jardin de sculptures en Toscane

L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 747 mots

À trente kilomètres de Florence, dans la magnificence d’une immense propriété, s’inscrit la collection Gori dominée par l’ordre et l’harmonie savante. Depuis 1980, Giuliano Gori et sa famille ont invité dans la villa Celle, construite au xviie siècle par le cardinal Agostino Fabroni, des artistes du monde entier. Le parc à l’anglaise de trente-huit hectares, créé au XVIIIe siècle, présente notamment des œuvres in situ et permanentes de Dennis Oppenheim, Alan Sonfist, Enrico Castellani, Richard Long, Anne et Patrick Poirier, Marta Pan et Fausto Melotti. Ce dialogue entre les travaux sensibles et le cadre romantique renoue avec la tradition antique et poétique d’une promenade au fil de laquelle le visiteur découvre quarante propositions artistiques en correspondance avec la nature.

Aucun courant artistique ne prédomine, si ce n’est le positionnement parfait des installations dans cet environnement naturel. Les œuvres se répondent dans le magnifique paysage toscan, posées dans une grande justesse, en accord avec les exigences des lieux. Linea 1-2-3 4, la trajectoire d’une ligne droite traçée en trois parties à travers la nature par Dani Karavan, conduit vers une barque au bord d’un lac. Devant une forêt, ce qui semble, vu de face, un édifice rectangulaire large de douze mètres et haut de deux mètres, est en fait un triangle orné de bandes de marbre vert et blanc, qui rappelle les cathédrales de la Renaissance italienne. C’est un « labyrinthe » fait de murs convergents et d’angles pointus, accentués par les méandres de rayures et menant vers un sens unique. Ce travail de Robert Morris évoque le petit bois, coupé d’allées entrelacées, élément obligatoire d’un parc. Ici la figure unitrinitaire est une « somme des angles égale à deux droits », ce que le visiteur observe d’un autre point de vue du haut d’une plate-forme. Une autre géométrie parfaite se manifeste avec « un cube sans cube » de cinq mètres de côté que Sol LeWitt a placé comme un siège en ciment blanc, bien distinct au milieu du gazon. En revanche, le travail de Richard Serra épouse parfaitement le lieu : des blocs erratiques jalonnent un champ, la pierre grossièrement taillée en carré est sectionnée dans sa partie haute, parallèlement à la pente de la prairie. Plus loin, un passage métaphysique évoquant Dante symbolise l’œuvre du Japonais Bukichi Inoue : un long couloir étroit semble pénétrer dans la terre, au bout duquel le visiteur débouche sur un escalier à vis en marbre blanc de Carrare, qui s’élève vers un lieu d’introspection : un cube aux parois de verre, s’ouvrant sur les terres et forçant à la méditation. La quête de formes platoniciennes caractérise ces œuvres. Plus énigmatique encore est la proposition commune de Robert Morris et de Claudio Parmiggiani Melancolia II placée à l’intérieur d’un bosquet de bambous : une cloche, une colonne en marbre, une meule, une sphère toute blanche et un polyèdre noir y font référence à la gravure de Dürer.
Le long du chemin, le Spazio Teatro Celle de Beverly Pepper convie aux spectacles et représentations théâtrales en plein air. La légère élévation d’une colline pyramidale de gazon abrite un amphithéâtre naturel, consolidé par deux triangles joints embrassant la scène arrondie. Pour les spectateurs, les gradins dessinent une perspective conique, concourant vers un seul point de vue. Une équation unique qui se fond complètement dans le paysage alentour.
En revanche, le travail de Magdalena Abakanowicz évoque le passé cruel. Dans un champ carré entouré de fils de fer barbelés se dressent trente-trois stèles en bronze. Une force tragique émane de ces sculptures creuses qui évoquent des troncs d’arbres, des sarcophages ou des corps d’homme acéphales. Tout en haut du domaine, une déesse archaïque de l’artiste finlandais Olavi Lanu est étendue dans la forêt obscure ; les jambes repliées du corps gigantesque, en pierre verdâtre, évoquent une montagne. Il s’agit de la gardienne des lieux.
De retour devant le point de départ de la promenade, le visiteur n’osera pas s’asseoir à cette amusante table de Roberto Barni où trois personnes coulées en bronze tiennent une plaque ronde, autre variante du serviteur muet. Dans une volière voisine et ouverte de l’artiste Jean-Michel Folon, des colombes se bécotent à côté de pommes d’or. Dans le prolongement, les communs présentent à l’intérieur un choix de trente œuvres : peintures, installations et vidéos d’une collection forte de mille œuvres.

Ce parcours d’environ trois à quatre heures s’effectue toujours accompagné et sur rendez-vous. Fattoria di Celle – The Gori Collection Via Montalese 7, 51030 Santomato di Pistoia, Italie, goricoll@tin.it

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Un jardin de sculptures en Toscane

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