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Frac, profession : découvreur de talents

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 580 mots

Il est du ressort d’un Frac de découvrir de jeunes artistes mais la tâche s’avère souvent périlleuse car la collection ne doit être ni trop internationale, au risque de désintéresser le public local, ni trop régionale et artisanale de peur de jeter le discrédit sur les autres œuvres acquises auparavant.

Certaines régions sont dotées d’outils performants pour découvrir ces jeunes talents. À Marseille, le directeur du FRAC, Éric Mangion, a pu puiser dans le vivier de l’école des Beaux-Arts et surtout de la Villa Arson de Nice. Tatiana Trouvé (porte-drapeau de la France à Venise), Gilles Barbier et le jeune Guillaume Pinard (à Tarascon cet été et au CAPC avec Chtong jusqu’au 31 août) ont eu le talent et la chance d’être suivis et soutenus par cette dynamique institution. Si ces exemples ne sont pas isolés, ils sont suffisamment rares pour être remarqués et soulignés.

Aujourd’hui, le FRAC Poitou-Charentes d’Angoulême voit revenir sur ses terres un jeune artiste prodige dont la carrière éclate à Paris depuis quelque temps. Bruno Rousseaud a trente-quatre ans et sa première collaboration avec Olivier Chupin remonte déjà à neuf ans.
À cette époque, le directeur décèle un potentiel certain chez plusieurs des étudiants de l’école des Beaux-Arts, dont ce jeune homme, surnommé alors « Raouss ». Il lui met le pied à l’étrier en organisant une exposition de groupe, « Techniques mixtes, dimensions variables » (1994), un premier pas qui l’entraînera finalement loin d’Angoulême. Car Bruno Rousseaud a fait le pari de « monter » à Paris en 1997. Un choix osé mais depuis il s’est taillé une juste réputation en parant des Porsche et des Ferrari rutilantes de tourelles de chars d’assaut ; menaçantes malgré leur composition de mousse, captivantes même pour ceux qui ne s’intéressent pas à la mécanique. Décortiquant le jeu des comportements, des identifications et des réflexes guerriers qu’induit la conduite ou même la simple observation d’une voiture de luxe, l’artiste a multiplié les sorties et les événements tout au long de ses deux dernières années. Nombreux sont ceux qui ont vu ses voitures sillonner le quartier des galeries, déconcertant les amateurs d’automobiles et enthousiasmant le marché. En 2002, il remporte un prix spécial à la surprise générale des participants du célèbre concours Lépine, puis rentre en janvier dernier dans l’écurie de la galerie Almine Rech, bastion de la rue Louise-Weiss qui représente aussi Ugo Rondinone et James Turrell. Carton plein donc, avec cette première exposition monographique qui vient réveiller le public angoumoisin, fébrile à l’idée de découvrir cet artiste du cru à la réussite récente mais éclatante. Si les célèbres voitures guerrières ne sont malheureusement pas réunies pour l’occasion, le tuning (pratique qui consiste à améliorer les performances esthétiques et sonores d’un véhicule par ajout d’accessoires) est cependant au centre de l’exposition. Ainsi le soir du vernissage, un coupé Citroën méconnaissable a donné lieu à une performance sonore « détonante », une course virtuelle qui a fait vibrer l’hôtel où est installé le FRAC. Deux pièces nouvelles viennent compléter ce jeu de piste aux règles obscures dictant le déplacement des cocottes-minute colorées et inoffensives sur un échiquier composé de pictogrammes de chars.

La provocation n’est jamais gratuite, à l’image de cette couronne de laurier au design mortuaire qui vient enserrer un casque de motard, elle déjoue surtout les préjugés et les idées reçues.

« Bruno Rousseaud, O Rhésus », ANGOULÊME (16), FRAC Poitou-Charentes, hôtel Saint-Simon, 15 rue de la Cloche Verte, tél. 05 45 92 87 01, jusqu’au 4 oct.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : FRAC, profession : découvreur de talents

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