Trésors publics pour palais de papes

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 487 mots

Qui dit Avignon dit festival. Depuis que Jean Vilar a occupé la place et que Gérard Philipe a fait trembler les murs de la cour d’honneur du palais des Papes des échos de la voix du prince de Hombourg, le théâtre colle à la peau de la cité médiévale. Il a été et demeure sa raison culturelle. Sa déraison, parfois. Mais comme le rappelle son plus haut magistrat en citant Malraux : « La culture n’est jamais un héritage, elle est toujours une conquête. » Versant arts plastiques, s’il y a belle lurette que
la ville au pont dansant s’y est intéressée, l’année 2000 a été pour elle l’occasion d’une opération duelle – l’exposition sur « La Beauté » et l’ouverture de la « collection Lambert » – qui semble bien l’avoir mis définitivement dans les starting-blocks de l’art contemporain. À preuve la participation de la ville de Benoît XII et de Clément VI –  les deux papes respectivement responsables de la construction du palais vieux et du palais nouveau – à la grande saga festive des vingt ans des FRAC. Une façon de proclamer les vertus du mariage du patrimoine et de la création vivante.
Judicieux, le choix d’Avignon ne se justifie pas seulement au regard d’une tradition culturelle exemplaire mais d’une géographie touristique qui assure la manifestation d’une fréquentation conséquente (le palais des Papes accueille quelque 650 000 visiteurs par an, rien de moins !). En inscrivant la séquence avignonnaise de « Trésors publics » au sein même du prestigieux bâtiment, dans un lieu hautement inspiré, ses responsables offrent donc à l’art contemporain l’occasion d’une confrontation unique à plus d’un titre. Dangereuse toutefois, compte tenu de la gageure qu’elle suppose et des enjeux. Intitulée « Esprits des lieux », l’exposition que l’on peut voir à Avignon s’applique précisément à prendre en compte le contexte. Les œuvres réunies au palais des Papes questionnent les conditions d’exposition de l’œuvre et rappelent qu’elles sont les facteurs déterminants, préexistants à sa conception. La question posée est finalement de savoir comment l’œuvre d’art a lieu. Et comment le lieu opère esthétiquement du fait qu’il soit « vu avec l’œuvre et en constitue l’environnement », mais aussi puisqu’il puisse « commander les points de vue sur l’œuvre »
(E. Souriau). C’est plus d’une centaine d’œuvres qui sont réunies à Avignon, toutes pratiques confondues ; c’est dire le parcours qu’elles déterminent à l’instruction d’une histoire de l’art contemporain. Abstraction (Debré, Soulages…), déconstruction (Dezeuze, Grand…), minimalisme (Judd, LeWitt…), Arte Povera (Merz, Penone…), mythologie individuelle (Boltanski, Lévêque…), critique sociale (Séchas, Schütte…), etc., ce sont toutes les grandes mouvances d’un art vivant qui sont rassemblées dans les dédales interminables du palais. Un vrai parcours du combattant, fait de confirmations, de découvertes et de rebonds. Une façon d’anthologie qui préfère l’exhaustif au sélectif.

« Esprits des lieux », AVIGNON (84), palais des Papes, 6 rue Penterapide-Charles Ansidéi, tél. 04 90 27 50 00, 27 juin-12 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Trésors publics pour palais de papes

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