Jan Fabre, l’homme sang

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 septembre 2003 - 445 mots

Qu’il ait choisi d’appeler du nom de Janus la revue pluridisciplinaire dont il est le fondateur n’est évidemment pas dépourvu de signification. Jan Fabre sait bien que le dieu tout à la fois italique et romain avait cette particularité d’être représenté avec deux visages opposés, l’un regardant devant lui, l’autre derrière. Un côté pile, un côté face. Le passé et le présent.
La vie et la mort. Artiste polymorphe, auteur d’un conte de fées médiéval intitulé Je suis sang, qui aurait dû être joué au festival d’Avignon, Jan Fabre passe tour à tour du dessin à la chorégraphie, de la sculpture à la mise en scène, de l’installation à la vidéo ou au film. En quête d’une beauté idéale, exploitant les ressources plastiques tant du Bic bleu que des coléoptères, il affronte les grands thèmes universels cultivant l’étrange et le lyrique, le grandiloquent et l’incongru. Fabre y développe toute une mythologie où le corps occupe une place primordiale. « Il est envisagé d’une part comme un abri de la mémoire, d’où la vacuité des sculptures, et d’autre part comme un espace régi par des notions fortes d’extérieur et d’intérieur », note Frank Maes, le commissaire de l’exposition du château d’Arenthon. Constituée d’un choix dans l’œuvre sculpturale de l’artiste de 1977 à 2003, celle-ci trouve dans le cadre renaissant de la fondation Salomon un écrin à sa mesure. Rien ne sied mieux en effet à cette œuvre que d’être confrontée à une certaine mesure du temps de l’histoire parce qu’elle en instruit un autre, d’une autre nature, fort de ses signes et de ses images. Avec ses contes et ses légendes. Avec ses protagonistes venus d’on ne sait où : ange, ermite, guerrier, madone, gigantesque cocon, têtes de mort, homme qui donne du feu, etc. Comme il le fait d’une scène de théâtre, Jan Fabre a envahi le château d’Arenthon. Il le hante, l’occupant tous azimuts dans le dédale de ses labyrinthes et dans tous ses recoins. « Ce n’est donc pas l’œuvre de Jan Fabre qui s’intègre au décor mais le décor qui devient part intégrante de l’univers de Jan Fabre », note Frank Maes. Dialogue, retournement, métamorphose, aller-retour entre le dedans et le dehors, le vide et le plein, l’être et le paraître, le monde de Fabre est animé d’un perpétuel mouvement. Régi par ses propres codes et ses propres lois, il échappe à l’emprise des conventions en usage. En cela, il ne nous laisse pas indemnes.

« Jan Fabre ; l’homme qui donne du feu, un choix dans l’œuvre sculpturale 1977-2003 », ALEX (73), fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, château d’Arenthon, tél. 04 50 02 87 52, 6 juillet-26 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Jan Fabre, l’homme sang

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