Le monde selon Nano

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 septembre 2003 - 406 mots

Nul besoin d’être un crack en science pour apprécier l’exposition concoctée par Laurence Dreyfus (ancienne organisatrice du Food-Lab des soirées de la fondation Cartier pour l’art contemporain il y a une poignée d’années) pour l’espace Fraîch’Attitude, un drôle d’endroit, lieu de promotion de l’art contemporain et... des fruits et légumes frais ! Pour « Nano », cette galerie ouverte en avril 2001, n’a pas hésité à faire appel à la crème des architectes contemporains, Jean-Gilles Décosterd et Philippe Rahm, tandem suisse en vogue, connu pour déstabiliser l’establishment architectural en construisant peu mais en élaborant un monde aux limites du perceptible. Convoqués pour assurer la scénographie de cette exposition qui rassemble six jeunes artistes plus ou moins connus, les Décosterd et Rahm ont frappé fort. Le « nano » étant l’infiniment petit, une entité plus que difficile à concevoir et surtout à matérialiser, le duo s’est employé à décortiquer le spectre lumineux. D’une première salle spacieuse et baignée de lumière blanche composée de toutes couleurs à la dernière pièce, petit boyau sombre et dangereux éclairé au fond par un néon bactéricide, véritable arme de destruction massive de n’importe quel virus, également mortelle pour l’homme en cas de haute exposition, l’espace change de couleur comme il change de forme. Du jaune aux ultraviolets, le parcours est séduisant, ponctué d’arrêts dans des nanomondes artistiques plus ou moins imaginaires ou réalistes. L’œil de Michel Blazy s’engage dans les galeries d’un monde pourri et Carsten Nicolai nous permet de visualiser les sons qu’il a composés grâce aux ondes qu’ils propagent sur un bassin de lait. Saskia Olde Wombers nous fait plonger au cœur de cités englouties, Pierre Savatier saisit comme personne des billes et des gouttes d’eau, tandis que la nouvelle coqueluche anglaise d’origine turque Haluk Akakce présente une vidéo qu’on aurait préférée plus imposante. « Nano » avait l’objectif de « bouleverser notre échelle de valeur », entreprise largement réussie avec cette exposition modeste mais riche en expériences. Elle se paie même le luxe de rassembler dans un catalogue branché et impeccable des textes de l’astrophysicien Hubert Reeves, d’Hans-Ulrich Obrist et de Jean-Louis Pautrat, spécialiste en nanostructures. Habituellement dévolue à l’Eat Art, la galerie Fraîch’Attitude a opéré une transgression réussie avant l’automne, où elle retournera à ses premières amours en exposant un des piliers de ce mouvement, Dorothée Selz.

« Nano », PARIS, galerie Fraîch’Attitude, 60 rue du Faubourg Poissonnière, Xe, tél. 01 49 49 15 15, jusqu’au 20 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Le monde selon Nano

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