Malévitch, la révélation du zéro

L'ŒIL

Le 1 octobre 2003 - 381 mots

Après les musées Guggenheim de Berlin et de New York, l’exposition « Kasimir Malevich : suprématisme » est maintenant présentée à la Menil Collection, à Houston. Matthew Drutt, conservateur en chef de la Menil Collection, est à l’origine de cette exposition à plus d’un titre révélatrice. Avant tout parce qu’elle regroupe plus d’une centaine d’œuvres de la collection de Nicolas Khardzhiev, pour la plupart jamais ou rarement exposées. Ensuite parce qu’elle reprend chronologiquement, de 1915 à 1932, le chemin de la formulation du vocabulaire suprématiste. Aux Alogismes, dessins et peintures composés de formes abstraites, symboles et fragments de mots, que Malévitch créait dès 1913, succédaient les premières peintures suprématistes, qui en appelaient tant à l’esprit révolutionnaire qu’à une mystique de la forme. Car si Malévitch a procédé à l’anéantissement de l’art du passé, ce n’est pas tant avec irrévérence qu’avec l’idée qu’un renouveau de la peinture ne saurait partir que de zéro. L’abstraction radicale de son Carré noir sur fond blanc, œuvre emblématique qu’il exposait à Moscou dès 1915, est encore chargée du poids de la religion, puisqu’il l’accrochait à l’angle de deux murs et du plafond, avec toute l’orthodoxie qui est due aux icônes traditionnelles russes. Austère et rigoureux, le discours suprématiste n’est pas pour autant imperméable au spirituel ; en atteste l’inclinaison tout à la fois maladroite et délicate de la Croix noire sur fond blanc de 1915.
Ce n’est qu’après avoir amené l’exercice de la peinture à un minimum géométrique que Malévitch entreprend d’enrichir progressivement les compositions suprématistes de plans et de lignes de couleur superposés, parallèles et croisés, s’émancipant de la frontalité du début pour atteindre à des constellations dynamiques et fuyantes. Dans le courant des années 1920, Malévitch entraînait le suprématisme sur le terrain des arts décoratifs et de l’architecture, notamment avec ses Architekton. Composés de parallélépipèdes invariablement blancs, ceux-ci formulaient un infini de possibilités pour une architecture monumentale à vocation universelle. Plus tard, il entreprit de confronter ses théories à la figure humaine – un trapèze, un rectangle et un ovale superposés donnant corps à de hiératiques paysannes russes –, avant d’abandonner le suprématisme pour investir des portraits dans la lignée de la Renaissance.

« Kasimir Malevich : suprématisme », HOUSTON (États-Unis), The Menil Collection, 1515 Sul Ross, tél. 713 525 9400, 3 octobre-11 janvier 04.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : Malévitch, la révélation du zéro

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