Paris-New York-Paris

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 octobre 2003 - 421 mots

Dans l’entre-deux-guerres, il faut imaginer qu’aller à Paris pour un artiste américain, c’était comme effectuer le fameux voyage en Italie au XVIIIe siècle. La capitale française entretenait alors un rapport passionnel avec le jeune pays. Malgré l’ampleur de leurs deux ego nationalistes, les échanges étaient cordiaux et la France accueillait avec bienveillance et peut-être suffisance, ces petits cousins d’Amérique. Cherchant obstinément à se maintenir dans le rôle de mentor, la scène française n’a pas vu venir le temps où l’Amérique et surtout New York devint la capitale des arts, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. L’Amérique s’est émancipée avec douceur de son dernier joug européen tout en composant avec les influences de la vieille Europe comme le montre cette exposition pionnière que propose le musée d’Art américain de Giverny. Articulée selon quatre parties – la pureté de l’objet pour une peinture cubiste et figurative, la naissance des American Abstract Artists à Paris, les prémices du surréalisme et les portraits de l’avant-garde – l’exposition retrace ces deux décennies où Paris céda peu à peu la main à New York, sans perdre pour autant son pouvoir de séduction. La sélection d’artistes est d’autant plus impressionnante qu’elle révèle la difficulté qu’ils ont eue à s’imposer dans une histoire internationale de l’art avant aujourd’hui. Si, depuis quelques années, on se plaît à reconnaître à l’Amérique une véritable identité artistique avec des expositions comme « American Sublime » à Londres en 2002 et des textes de référence comme celui d’Éric de Chassey, La Peinture efficace, la route fut longue pour des artistes aussi méritant que Patrick Henry Bruce, Gerald Murphy, Ilya Bolotowsky, Albert Gallatin ou encore Jan Matulka. Bien sûr, l’Amérique a aussi ses stars que
la France s’est empressée d’adopter : Man Ray, Edward Steichen, Lee Miller. Grâce au pont essentiel que Marcel Duchamp ne cessa de consolider à partir de 1913 entre New York et Paris, en dévoilant ses grâces dans un Armory Show mémorable, puis en orchestrant les grands-messes surréalistes, l’échange fut pour le moins fructueux. Et si, souvent, ces artistes américains venaient chercher un adoubement artistique à Paris, ils repartaient avec la ferme intention de construire une véritable identité américaine, certes influencée par l’Europe mais par-dessus tout libre et décomplexée. C’est en cela qu’il faut comprendre ce « Paris, capitale de l’Amérique » comme l’a proclamé un jour de 1924, l’American Review.

« Paris, capitale de l’Amérique, l’avant-garde américaine à Paris, 1918-1939 », GIVERNY (27), musée d’Art américain, 99 rue Claude Monet, tél. 02 32 51 94 65, www.maag.org, jusqu’au 30 novembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : Paris-New York-Paris

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