Martin Szekely, tables rases

Par Anouchka Roggeman · L'ŒIL

Le 1 janvier 2004 - 345 mots

Martin Szekely n’a plus envie de parler de lui. Dans son nouveau livre, où apparaissent de très belles photographies de ses dernières créations accompagnées de textes de réflexion sur le design (notamment du philosophe Christian Schlatter et de l’écrivain Claire Fayolle), il a même retiré sa biographie. Certes, il accepte de parler de ses objets, mais d’abord avec beaucoup de méfiance et de discrétion, avec des mots réfléchis et une précision chirurgicale. Rien d’étonnant lorsque l’on pense à ses meubles aux formes parfaitement pures. C’est à l’issue d’une importante exposition qui lui était consacrée en Belgique au Grand Hornu en 1998 que ce fils d’artistes hongrois, diplômé de l’école Estienne décide d’opérer un changement radical dans son approche. C’en est fini de cette longue période de « transe égocentrique » où il « dessine comme un fou » des objets qui lui ressemblent, notamment la célèbre chaise longue Pi, véritable icône des années 1980. Désormais, sa démarche vise à « synthétiser des données », son langage privilégie les formes élémentaires, celles qui appartiennent à tous, comme la ligne droite, le plan ou la sphère. Résultat : ses objets, unités essentielles, s’imposent comme une évidence. Son verre Perrier en forme de V et le bijou sécable d’Hermès se vendent à des millions d’exemplaires. Son armoire récente, une feuille en Alucobond découpée et pliée sur elle-même, sans aucune fixation, ainsi que ses meubles aux lignes parfaites séduisent les plus grands collectionneurs d’art contemporain internationaux et les marques les plus prestigieuses. L’homme a le feu sacré. Il se nourrit de notions philosophiques, d’écrits de Thomas Bernhard ou des œuvres d’On Kawara et parle de son métier comme d’une vocation, d’une activité cérébrale. Au fil de la discussion, on en arrive même à redéfinir une table et à se demander ce qu’il y a entre le sol et nous. Les meubles ne seraient-ils que « le prolongement de nos corps nécessiteux » ? À méditer.

A lire

Martin Szekely, textes de Christian Schlatter, Claire Fayolle et Alison M. Gingeras, éditions Images Modernes et éditions Kreo, 2003, 200 p., 39 euros, editions@imagesmodernes.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Martin Szekely, tables rases

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