Un secret bien gardé

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 janvier 2004 - 458 mots

Jolie vitrine que celle offerte au Fonds national d’art contemporain par les deux institutions marseillaises que sont le musée d’Art contemporain et le centre de la Vieille Charité. Sur les trois cent quarante-deux œuvres acquises en 2003, cent vingt-quatre sont montrées ici recouvrant une bonne partie des trésors accumulés en photographie et en arts plastiques. Mais cette année, la commission plénière du Fnac, constituée de quatre administratifs et neuf personnes dites « qualifiées » dont deux artistes, et réunie trois fois l’an, a aussi investi son budget annuel d’environ trois millions d’euros dans la mode (des prototypes de chaussures Eram dont on se demande bien l’intérêt artistique qu’ils peuvent présenter) et le design, enrichissant un corpus constitué d’environ soixante-dix mille œuvres. Le chiffre peut paraître colossal mais s’explique par l’âge de cette vénérable institution car, avant d’opérer selon des règles édictées en 1976, ce fonds amassait depuis la fin de la Révolution française la fine fleur de la création contemporaine vivante. Bien sûr depuis 1981, les choses se sont accélérées et le Fnac a acheté dans les dix-neuf mille œuvres, rien de moins, mais, encore récemment, rares étaient ceux en dehors des principaux intéressés (artistes, conservateurs, galeries et rapporteurs) à pouvoir définir la teneur des acquisitions hétéroclites de ce fonds. C’est pourquoi depuis trois ou quatre ans, une sélection de pièces fraîchement entrées dans le fonds s’expose de Nantes à Nancy, en passant par Marseille cette année et Rouen en 2004, tandis qu’on vante activement les mérites d’une politique réactivée de prêts à plus ou moins long terme dans des institutions du territoire. Innovation notable en 2003, certaines pièces partent même en dépôt à l’étranger, comme celle de Xavier Veilhan au Mamco de Genève, en attendant de convaincre les ambassadeurs de se mettre à l’art contemporain. On ne se fait pas d’inquiétude pour les chefs-d’œuvre malheureusement invisibles à Marseille de Chen Zhen, Eija-Liisa Ahtila, Thomas Demand, Dominique Gonzalez-Foerster, Ann Veronica Janssens ou Didier Marcel, ils ne devraient pas rejoindre de sitôt les milliers de pièces séquestrées ou oubliées dans la grande réserve enfouie sous
le quartier de la Défense. Même constat pour celles retenues pour les deux expositions. Même si certaines plaisent moins que d’autres, elles offrent un panorama de la création d’aujourd’hui dont on peut s’enorgueillir. Mais au-delà du paysage impeccable et idyllique que suggère cet accrochage, on peut se poser une question. Qu’en est-il de toutes les autres œuvres ?
Le Fnac a décidément encore un long chemin à parcourir avant d’être populaire comme il semble le souhaiter.

« Mouvements de fonds, acquisitions 2002 du Fnac », MARSEILLE (13), MAC, 69 av. de Haïfa, VIIIe, tél. 04 91 25 01 07 ; centre de la Vieille Charité, 2 rue de la Charité, IIe, jusqu’au 8 février 2004.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Un secret bien gardé

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