Naples à Ajaccio

L'ŒIL

Le 1 février 2004 - 355 mots

Les crèches napolitaines sont à la fois de merveilleux spectacles et des œuvres d’art complexes.
Si aux XVIe et XVIIe siècles, elles étaient présentées dans les églises et répondaient aux besoins de
la piété populaire, au XVIIIe siècle – leur âge d’or –, elles relèvent davantage du divertissement mondain. Ce goût devient alors un véritable phénomène de société. La haute bourgeoisie, l’aristocratie, et même la famille royale, commandent des crèches qui atteignent parfois des dimensions colossales (jusqu’à plusieurs centaines de pastori), et dans lesquelles ils investissent des fortunes. Ces créations témoignent aux yeux de tous de leur richesse, de leur piété et de leur culture.
Les commanditaires font appel aux meilleurs artistes, sculpteurs (ainsi Giuseppe Sanmartino), architectes et peintres, qui eux-mêmes s’entourent d’une armée d’artisans. Au thème central de
la nativité, avec ses volées d’anges dans le ciel, sont associées l’adoration des mages et l’adoration des bergers, avec souvent des thèmes annexes, comme l’annonce faite aux Bergers, ou l’auberge qui refusa l’hospitalité à la Sainte Famille. Mais la grande originalité de ces œuvres est de faire coexister
les scènes sacrées avec une représentation fourmillante, réaliste et savoureuse de la vie populaire, où se mêlent bourgeois, paysans, musiciens, bohémiens, animaux. La présence des rois mages est prétexte à des cortèges de figures exotiques vêtues avec magnificence. L’étable traditionnelle est remplacée par les ruines d’un temple antique, symbole de l’écroulement du monde païen et du début d’une ère nouvelle, mais aussi signe des temps. Car une crèche évolue et se transforme au gré des événements : découvertes archéologiques (Pompéi), fêtes royales, ambassades tunisiennes.
Tout ce petit peuple de figurines hautes en couleur qui miment une multitude d’actions est en réalité rigoureusement « mis en scène ». Les crèches s’inspirent des scénographies théâtrales, avec leur toile de fond, leurs rochers et leurs grottes, avec leurs effets de perspective et d’illusion spatiale. Elles s’inspirent aussi des tableaux baroques dont elles reprennent la construction par plans, le jeu des gestes et des regards.

« Le grand théâtre des anges, crèches napolitaines du XVIIIe siècle », AJACCIO (20), musée Fesch, 50-52 rue Fesch, tél. 04 95 21 48 17, jusqu’au 29 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°555 du 1 février 2004, avec le titre suivant : Naples à Ajaccio

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque