Le rideau de fer enfin levé sur Kazimir Malewicz

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 425 mots

Andréi Nakov n’est pas, comme on dit, un débutant. La monographie de Kazimir Malewicz qu’il publie en 2007 chez Thalia n’est pas non plus un coup d’essai (nous utilisons ici l’orthographe polonaise du nom du peintre, respectée par l’auteur). Né en 1941 en Bulgarie, Nakov étudie l’histoire de l’art en Pologne. À Paris, où il arrive en 1963 pour raisons politiques, il soutient sa thèse en 1969 auprès d’André Chastel. Le diplôme en poche, le jeune historien débarque à New York et travaille sous la direction de Meyer Shapiro et d’Alfred Barr (conservateur au MoMA).
En 1975, Nakov réussit son premier coup d’édition. Spécialiste de l’avant-garde russe, il publie les écrits de Malewicz. Pourtant paru un an après le livre de Jean-Claude Marcadé, le recueil s’impose et fait le bonheur des libraires. En 1976, il monte l’exposition Malewicz, à Londres.

Trente années de recherches
Mais la carrière de Nakov prend une nouvelle dimension en 1979, quand celui-ci accepte, auprès du collectionneur Wilhelm Hack, de mener à bien le projet de monographie de l’inventeur du suprématisme, initié dans les années 1950. Commence alors un parcours du combattant, dont l’auteur fait état dans son « avant lire ».
Malewicz est un artiste à part, à l’œuvre éminemment complexe ; un « mystique de type moderne ». Après sa mort en 1935, sa peinture, comme son aspiration idéaliste, n’a pas résisté aux interprétations « folkloriques » et « banalement religieuses ». La critique ne l’a pas comprise. Pire, le pouvoir soviétique, voyant en elle un ennemi du régime, l’a conceptuellement ­ – et délibérément – sabotée.
S’il a hérité des archives que Malewicz, voyant le vent tourner, avait confiées à son ami von Riesen à Berlin en 1927, Andréi Nakov a donc dû démêler le vrai du faux, trier les idées reçues et composer avec la censure politique. Car jusqu’à l’arrivée de Gorbatchev et l’effondrement de l’ex-URSS à la fin des années 1980, la Russie a verrouillé l’accès aux archives publiques et cadenassé les lourdes portes des réserves des musées qui recelait – mais l’historien le savait-il en 1979 ? – bien des trésors.
Le jeu en valait pourtant la chandelle. Résultat de trente ans de recherches, épouse légitime du catalogue raisonné du même auteur (2002), la présente monographie éclaire d’un jour nouveau la vie et l’œuvre de l’artiste polonais. À commencer par sa date de naissance établie non plus en 1878, mais en 1879. Le rideau de fer est désormais levé. L’exégèse peut enfin commencer. 

Andréi Nakov, Kazimir Malewicz : le peintre absolu, Thalia, 1 596 p., 1 642 ill., 295 € le coffret de 4 vol. www.andrei-nakov.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Le rideau de fer enfin levé sur Kazimir Malewicz

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