Ces chers primitifs italiens

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 754 mots

Très rares sur le marché, les primitifs italiens (du XIIIe au XVe siècle) enregistrent par conséquent des prix importants. D’autant que la demande est de plus en plus forte et diverse.

Vers 1 300 en Italie une révolution est en marche. Rompant avec la raideur byzantine, les primitifs
italiens ouvrent la voie d’une Renaissance mettant l’homme au centre du monde. La révolution est d’ordre aussi bien esthétique que théologique. Un réveil humaniste dont il reste peu de traces. Le vivier d’œuvres comme d’acheteurs s’avère naturellement plus étroit que pour la peinture baroque ou caravagesque. Nonobstant cette rareté, les amateurs d’art contemporain succombent depuis deux ans au minimalisme des fonds d’or, donnant ainsi un coup de fouet à ce marché.

Duccio : 35 millions d’€
Au XIIe et jusqu’à la fin du XIIIe siècle, le travail des maîtres italiens reste empreint du hiératisme des icônes byzantines. L’utilisation du fond d’or signale que la scène se déroule non dans le monde terrestre mais dans la sphère céleste.
Dès la fin du XIIIe siècle, et plus encore au XIVe, gestes et visages s’humanisent. Le Duccio à Sienne et Cimabue à Florence participent de ce mouvement. Tout en étant imprégné de la peinture byzantine, le Duccio sut la renouveler en insufflant plus de fluidité aux schémas stéréotypés. Il se distinguera ainsi de la narration byzantine en développant plusieurs trames à la fois. Peu d’œuvres nous sont parvenues. Cette rareté explique la somme, estimée entre 32 et 35 millions d’euros, déboursée en 2004 par le Metropolitan Museum pour une Madone à l’enfant. Ce qui est à la fois beaucoup et peu face aux 71 millions d’euros d’un Picasso ou 50,5 millions de dollars d’un Warhol...
La perspective apparaît sur la pointe des pieds dans le travail du Florentin Agnolo Gaddi. Cet artiste à la charnière avec le XIVe siècle rend les figures plus vivantes, les expressions plus chaleureuses, la tendresse entre la mère et l’enfant plus explicite. En 2005, Christie’s alignait le record de 346 000 euros pour la Madone de l’humilité avec sainte Catherine de Gaddi. La même année, la galerie Sarti proposait dans le cadre d’une exposition sur la peinture italienne une superbe Vierge d’humilité entourée de six anges pour 950 000 euros.
Le travail de Gaddi ouvre le chemin aux recherches de Lorenzo del Monaco, dont Sotheby’s a cédé en 2005 un Saint Jérôme dans le désert pour 1,6 million d’euros. Une belle enchère, puisque ce panneau s’était contenté de 541 000 euros en 1988.

Fra Angelico : 2,75 millions d’€
Derrière la figure de Monaco, se profilent d’autres artistes du gothique flamboyant comme le Florentin Lorenzo di Bicci.
En 2005, à la Foire de Maastricht, la galerie Moretti proposait une Madone et enfants sur le trône, flanqués de deux anges de Lorenzo di Bicci (1370-1427) pour 750 000 euros. Le prix semble d’autant plus coquet que ce panneau avait vainement été proposé chez Piasa en 2000 pour 1,2 million de francs.
Au XVe siècle, Fra Angelico brille à Florence par son austérité toute monastique. Il cherche à résoudre la contradiction entre l’humanisme de la Renaissance et sa quête de transcendance. Aussi n’exalte-t-il pas l’homme contrairement à son contemporain, Masaccio. En avril dernier, le marchand Fabrizio Moretti achetait pour 2,75 millions d’euros deux panneaux de Fra Angelico dans une petite vente dans le Dorset, en Angleterre. Il s’agissait là de redécouverte, ces panneaux provenant vraisemblablement du monastère de San Marco à Florence. Le précédent record pour Fra Angelico remontait à 2003, avec 1,2 million d’euros pour un panneau représentant saint Pierre en martyre avec saint Thomas d’Aquin.
Mis à part ces sommes coquettes déboursées pour les chefs-d’œuvre, on peut trouver des écoles provinciales entre 60 000 et 100 000 euros. Le musée Fabre de Montpellier a acheté pour 134 000 euros une Nativité de Pietro da Rimini, actif entre 1315 et 1333, chez Sotheby’s en 2004. Les prix sont conditionnés par l’état des œuvres, sur lequel il faut être vigilant car beaucoup de panneaux ont été repeints. Une même prudence s’impose pour les faux, parfois difficiles à déceler.

Repères

Duccio di Buoninsegna (1255-1318) Héritier et léger réformateur de la tradition byzantine, Duccio est célèbre pour le grand retable de la cathédrale de Sienne réalisé entre 1308 et 1311. Agnolo Gaddi (documenté de 1369 à 1396) Imprégné par le gothique tardif, Gaddi mêle réalisme et fantaisie dans des peintures souvent très sensibles. Il est célèbre pour la fresque de la Légende de la Croix à la chapelle de Santa Croce à Florence. Fra Angelico (v. 1390-1455) Connu pour le Retable de saint Marc conservé au musée Saint-Marc de Florence, il fut l’un des plus grands peintres du milieu du XIVe siècle.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Ces chers primitifs italiens

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