Photographie

7 clefs pour comprendre la photographie

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 1251 mots

L’intérêt pour la photo ne cesse de grandir. Les expositions et les foires se multiplient, le marché explose... Quelques clefs pour aborder le salon Paris Photo et les événements périphériques.

Niépce, Daguerre… combat d’inventeurs
Parce que, dès 1826, il a réalisé la première impression d’une image du monde extérieur captée sur un papier recouvert de sels d’argent au fond d’une camera obscura, Nicéphore Niépce (1765-1833) est considéré comme l’inventeur de la photographie. Mais c’est Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851) qui en perfectionna le système de sorte à stabiliser l’image de façon définitive en utilisant l’iode comme agent sensibilisateur sur une plaque de cuivre recouverte d’une couche d’argent. De même, il lui revint de trouver le moyen de réduire le temps de pose, passant celui-ci de quelques heures à une simple dizaine de minutes grâce au principe de développement de l’image latente. Le daguerréotype était né.
Convaincu de l’importance du nouveau procédé, le politicien et savant François Arago réussit en 1839 à convaincre Daguerre et les héritiers de Niépce d’accepter que l’État français s’en porte acquéreur. Le daguerréotype est ainsi à la source même du formidable développement industriel de la photographie. 

À la lumière des sels d’argent
Désignant la photographie traditionnelle, celle qui utilise une simple bobine de film recouverte d’une émulsion sensible à la lumière, le terme d’argentique réfère à la technique qui y est mise en œuvre. Dans ce genre de photographie, les intensités lumineuses sont en effet fixées sur la pellicule par le biais de sels d’argent. Sous l’effet de la lumière, les innombrables cristaux qui les composent éclatent, entraînant la formation latente d’une image. Celle-ci étant une reproduction analogue à ce qui a été photographié, on parle aussi de photographie analogique. Le développement de l’image sous la forme d’un négatif dans un produit révélateur puis son tirage positif sur papier lui confèrent une nature d’ordre matériel spécifique.
Toute l’histoire de la photographie jusqu’à l’avènement du numérique s’écrit à l’aune de l’argentique, et certains photographes préfèrent encore les subtiles qualités de piqué et de sensibilité de l’argentique à la trop grande froideur objective du numérique. 

Quand la photo se prenait pour la peinture
Comme son nom l’indique, le pictorialisme, qui est le premier mouvement photographique constitué, s’était donné pour but de produire des images au plus proche de celles réalisées en peinture. Apparu en Europe et aux États-Unis dans le dernier quart du xixe, ce mouvement perdura jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Le pictorialisme se veut une photographie créatrice qui s’applique à faire reconnaître la prééminence de l’image sur le réel photographié ; tous ses soins sont de redonner au médium photographique, qu’il juge être devenu un pur objet de commerce, une véritable dimension artistique. Il en appelle en conséquence à toutes sortes de manipulations et de réglages spécifiques de mise au point, à l’utilisation de filtres et de traitements sophistiqués lors du développement.
En ce sens, la photographie pictorialiste peut être considérée comme l’ancêtre de la photographie plasticienne. Eugène Atget, Alfred Stieglitz et Walker Evans comptent parmi ceux qui en furent les grands défenseurs. 

En route vers le tout numérique
La technique de numérisation est l’une des plus importantes révolutions technologiques du monde contemporain. Elle est fondée sur le principe de représentation d’une information par des signaux codés comme des suites de nombres, eux-mêmes souvent représentés en système binaire par des groupes de 0 et de 1.
En matière de photographie, le numérique a supplanté l’argentique car sa capacité à acquérir, à traiter, à transmettre, à stocker ou à afficher des informations s’est avérée considérablement plus performante à bien des égards. Du fait de sa nature technique, le numérique est tout à la fois d’une plus grande rapidité d’exécution, d’une plus grande capacité de contrôle et d’une plus grande souplesse de gestion.
Si, à son apparition, d’aucuns reprochaient à la photo numérique de ne pas offrir les mêmes qualités que l’argentique – de résolution ou de profondeur de champ, par exemple –, cela n’est plus de saison aujourd’hui grâce à toutes les techniques de traitement d’images par ordinateur qui ont été inventées. 

Le « vintage » pour les grands crus photographiques
Si c’est d’abord à l’œnologie que s’est appliqué l’usage du mot vintage dans le milieu des années 1980 pour désigner des vins millésimés, c’est-à-dire affectés d’une date de référence qualitative, la mode n’a pas tardé à s’en emparer, aussitôt suivie par la photographie.
En ce domaine, à un moment où celle-ci gagnait ses lettres de noblesse artistique, s’inventait un nouveau marché et rencontrait un intérêt certain auprès des collectionneurs, il s’agissait de veiller à distinguer entre tirages d’époque et tirages effectués bien longtemps après la prise de vue. Parce que, par nature, la photographie fait référence à la notion de reproductibilité, il était important de faire la part des choses entre des tirages réalisés du vivant de son auteur, c’est-à-dire sous sa direction et son autorité, et des tirages faits par la suite pour satisfaire une économie en demande. Une différenciation que connaissent bien les marchands de livres anciens et les bibliophiles. Le terme de vintage appliqué à la photographie est donc comme un certificat d’authenticité de la date de son tirage. 

La photographie plasticienne
Précédé par l’expression d’image fabriquée, davantage explicite par rapport à l’idée d’une manipulation, le concept de photographie plasticienne a été inventé au milieu des années 1980 pour désigner une production d’images qui, si elle recourt au médium photographique, se distingue de l’usage ordinairement convenu qu’on en fait.
La qualité de « plasticienne » renvoie en effet à l’idée d’une photographie dont l’image procède de diverses manipulations tant des matériaux et des modèles qui la constituent que du format ou de la mise en espace dans lesquels elle est établie.
Le succès de cette expression va de pair avec celui d’un mode qui a gagné ses lettres de noblesse pour quitter la dimension de l’album, sinon du cadre, et se confronter à celle de la cimaise, voire de l’espace, et qui doit son essor au développement des technologies nouvelles. Il est le corollaire d’une pratique qui n’est plus le seul apanage des photographes mais qui est le fait d’« artistes plasticiens » aussi divers que Cindy Sherman, Joel Peter Witkin, Pierre & Gilles, Paul Graham...

La tradition du photomontage
Mise au point par les dadaïstes allemands dans la seconde moitié des années 1910, notamment Raoul Hauss­mann, George Grosz et Richard Huelsenbeck, la technique du photomontage procède de l’organisation d’une image par juxtaposition de photographies récupérées ici et là, notamment dans la presse, puis découpées et contrecollées sur un support commun.
Exploité par John Heartfield dès 1919 pour exprimer son combat contre la bourgeoisie wilhelmienne au pouvoir, le photomontage le fut par la suite tant par les surréalistes que par les constructivistes. Si les uns y trouvèrent le moyen de faire surgir de l’inconscient des images encore jamais vues, les autres l’employèrent volontiers dans un but de propagande politique. Max Ernst, Man Ray et Alexandre Rodchenko en privilégièrent la pratique et contribuèrent à en faire une esthétique à part entière.
Avec l’avènement des technologies nouvelles, le photomontage connaît un souffle nouveau parce qu’elles facilitent la fabrication de toutes sortes d’images composites. 

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Paris Photo », du 15 au 18 novembre 2007. Commissaire général : Valérie Fougeirol. Carroussel du Louvre, 99, rue de Rivoli, Paris Ier. Métro : Palais-Royal, Musée-du-Louvre. Ouvert le jeudi et le samedi de 11 h à 20 h, le vendredi de 11 h à 21 h, le dimanche de 11 h à 19 h. Tarifs” : 15 € et 7,50 €, www.parisphoto.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : 7 clefs pour comprendre la photographie

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