Une architecture de papier

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 519 mots

Le dessin d’architecture relève de ces niches peu rebattues du marché. Après une flambée déraisonnée des feuilles décoratives dans les années 1980, l’engouement est retombé tel un soufflé.

À qualité égale, un très beau dessin d’architecture, négocié  entre 7 500 et 15 000 euros, vaut moins cher qu’une esquisse d’un artiste célèbre. C’est qu’un dessin d’architecture n’est pas nécessairement beau. Pour un puriste, le trait semble raide, l’inspiration figée. « Un beau dessin d’architecture est toujours signifiant. C’est un outil de travail. Il faut se méfier des dessins simplement jolis qui ne signifient rien par rapport à l’histoire d’un bâtiment », explique Bertrand Gautier, codirecteur de la galerie Talabardon-Gautier. Spécialiste dans ce domaine, le marchand Daniel Greiner présente à sa galerie un relevé de la chapelle Sixtine réalisé vers 1810 par l’architecte français Hippolyte Lebas pour 8 000 euros. Nous n’avons pas affaire à un projet de l’architecte, connu pour la réalisation de l’église Notre-Dame-de-Lorette, mais à un relevé quasi topographique de cette salle du Vatican. Le dessin n’en autorise pas moins une lecture multiple. La partie inférieure de la salle n’est plus festonnée de tissus comme on le voit sur le dessin. Une indication du décor du Vatican au XIXe siècle. On retrouve aussi dans l’adresse de Lebas à restituer les tissus, les prémices de sa carrière à la manufacture de Jouy.
Certains dessins sont lisibles au premier degré, d’autres exigent un décryptage plus complexe. « Il peut y avoir plusieurs propositions simultanées dans un dessin, des solutions multiples qui ne rendent pas compte d’un concept de base. Un dessin ne représente pas toujours ce qui va être réalisé, mais ce qui peut être amélioré. Le dessin d’architecture a des contingences qui ne sont pas celle de la technique. À la fin du XVIIIe siècle, on voit une architecture de papier qui va inventer des choses qui ne seront réalisées qu’un siècle plus tard. On est face à la modernité la plus absolue » poursuit Bertrand Gautier. Beaucoup de ces dessins relèvent davantage de projets que de réalisations. En 2001, Sotheby’s a vendu plusieurs planches de décors de théâtre baroques de la famille Galli Bibiena au décorateur Peter Marino entre 21 000 et 26 000 dollars.
Les architectes sont parfois de piètres dessinateurs. Jusqu’au XIXe siècle l’architecte était un grand ordonnateur chapeautant une cohorte de métiers. Il se contentait souvent de tracer l’épure avant de confier le fignolage à une tierce personne. Les questions d’attribution et d’originalité n’ont du coup pas la même primauté que pour le dessin traditionnel. « L’idée du bâtiment prime sur l’attribution », souligne Daniel Greiner.
Les dessins fantasmagoriques et les caprices architecturaux séduisent plus facilement. Dans la foulée de l’engouement pour la botanique, les plans de jardin attirent de plus en plus d’amateurs. Intéressé depuis une dizaine d’années par les dessins d’architecture, le libraire Alain Cambon propose un plan du château de Guitrancourt pour 15 000 euros.

Exposition de dessins d’architecture, galerie Daniel Greiner, 14 passage Véro-Dodat, Paris Ier, tél. 01 42 33 43 30, 18 mars-20 avril. Librairie Alain Cambon, 30 rue Monsieur le Prince, Paris VIe, tél. 01 43 25 76 25.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Une architecture de papier

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