Ainsi va le monde de Chad McCail

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 406 mots

Les panneaux que dessine cet artiste écossais de trente-deux ans sont comme ces comédies anglaises de cinéma qui fleurissent chaque année : bénéfiques pour l’organisme et le moral grâce à
leur fraîcheur. Mais derrière cette naïveté se cachent des critiques acerbes de la société, de véritables portraits au vitriol, impitoyables et réjouissants parce que c’est nous. Eh oui ! derrière ces idéogrammes, ces silhouettes stylisées, ce serpent rouge nerveux (hypothalamus du désir), ces situations synthétisant le quotidien d’une société besogneuse, il y a notre univers, le fonctionnement impitoyable de notre société. Ce gourou un peu fou et très écossais mélange allègrement Adam, Ève,
le tantrisme, l’hindouisme et l’histoire du monde pour comprendre comment on en est arrivé là et comment (re)trouver l’harmonie. D’un côté, l’utopie, le monde parfait, de l’autre notre monde, nettement plus… frustrant ! McCail semble nous montrer que ce n’est pas si difficile que cela d’y arriver, mais il est aussi facile de chuter dans le dérèglement social. À regarder ce couple dans
la section « isolement », absorbé par un petit écran télévisé, leur serpent respectif, affalé lui aussi, cigarette ou bière au bec, sans plus de volonté, atone, on rit franchement car dans le monde de McCail, ils font l’amour. Le désir fout le camp dans la soumission : celle de la télé, celle du chef, celle du système, voilà ce que constate l’artiste, mais loin de prôner la rébellion ou la révolution, il reporte son attention sur l’éducation, parce que l’enfance est décisive avec l’apprentissage d’un équilibre entre frustration et désir, pouvoir et asservissement. Les schémas se répètent et on aurait presque envie de faire de ces planches de dessins, un pense-bête. Attention, le petit côté « new age » ou « peace and love » n’est qu’apparent car l’artiste a les pieds sur terre. Sous son dessin épuré par l’ordinateur, les histoires, les situations dressent une véritable topographie sociale, pas de doute là-dessus. Si l’exposition semble un peu incongrue voire subversive dans le hall d’une banque luxembourgeoise respectable, c’est là qu’elle est finalement le mieux. Parce que dans un centre d’art contemporain, on a parfois tendance à oublier que ce que l’on vient voir, a aussi une incidence en dehors du musée.

« Chad McCail, Life is driven by the desire for pleasure », LUXEMBOURG, musée d’Art moderne Grand-Duc Jean, camp de base du Kirchberg, banque de Luxembourg, 41 avenue J.F. Kennedy, tél. 352 45 37 851, jusqu’au 30 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Ainsi va le monde de Chad McCail

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