Heureux qui comme Simonds

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 384 mots

Il faut le voir s’agiter à quelques heures de l’ouverture de l’exposition  des Abattoirs à Toulouse sur tout un étage. Heureux, tantôt grimpé sur un monte-charge ou en équilibre instable, à peindre sa dernière pièce, Mental Earth (2003), énorme « rocher » habité en suspension au-dessus du sol de la passerelle. Pourtant, à voir son travail, dont la forme, la facture et la substance n’ont que très peu varié en plus de trente ans de carrière, on pouvait s’imaginer que Charles Simonds répétait inlassablement ses succès des années 1970, mais il n’en est rien. Ici, les thèmes profonds n’ont pas changé et s’ancrent toujours sur un réseau de métaphore entre l’habitat et le corps, la terre et le corps, l’habitat et la croissance biologique, la sexualité et la mort. On retrouve avec plaisir les implantations sauvages du peuple des « little people » aux colonies d’argile accrochées un peu partout, difficiles à retrouver dans l’architecture de brique du musée mais semblables aux premières constructions réalisées dans
des anfractuosités d’immeubles à travers la planète dans les années 1970. Ici on ne pourra ni s’approcher aussi près qu’alors, ni espérer trouver ces intrus camouflés dans le quartier, il faudra se contenter d’infiltrations plus anodines et sages même si elles restent passionnantes. L’élaboration de ces mondes fragiles de couleur ocre et sable est digne de l’orfèvrerie. Enchevêtrement de briques d’argile crue, formes organiques et construites sont tout droit sorties de l’esprit de cet artiste américain, œuvres qu’il livre, lui-même étonné, spontanément, impulsivement.
S’y ajoute aujourd’hui, et c’est là l’évolution ô combien importante pour Simonds, le geste. Par sa trace laissée dans l’argile bien sûr mais aussi dans l’espace qu’il induit, comme si la sculpture bâtissait l’espace physique de l’artiste, l’empreinte tridimensionnelle de ce corps à corps. La matière, c’est en elle qu’il puise ses « images mentales » ; de ce contact avec la terre qui déclenche tout, comme au premier jour de sa naissance d’artiste, en 1969, lorsqu’il se dégagea de la boue et construisit sur son ventre sa première colonie.
Il reste tout cela aujourd’hui dans son travail, étonnamment indemne de toute connotation historique « datée 70 », et même mieux encore. Même si lui-même avoue être toujours déçu par ce qu’il fait.

« Charles Simonds, Dwellings », TOULOUSE (31), musée Les Abattoirs, allée Charles-de-Fitte, tél. 05 62 48 58 00, www.lesabattoirs.org, jusqu’au 4 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Heureux qui comme Simonds

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