Vent de folie dans le Nord

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 703 mots

Quel est le nouveau point commun entre Roubaix, Mons-en-Barœul ou le faubourg lillois de Wazemmes ? L’ouverture, comme dans neuf autres villes du département du Nord et de Belgique, d’une « maison-folie », un concept de maison de quartier labellisé « Lille 2004 ». Nés d’une volonté de créer des interventions pérennes dans la capitale européenne de la culture, ces douze « points nodaux » – l’expression est de Didier Fusillier, le grand ordonnateur des réjouissances – ont été conçus pour devenir des lieux de convivialité populaires en milieu urbain, réunissant, dans un même espace, différents équipements collectifs (salle de spectacle, lieu d’exposition, ateliers d’artistes, espace multimédia, salle à manger…). Rien à voir, donc, entre la « folie » nordiste et son antécédent architectural : un pavillon de plaisance aristocratique – certes, dévolu aux plaisirs terrestres – construit à l’orée d’un bois, d’où son nom tiré du mot latin folia, la feuille…
Seule exception, peut-être, l’espace contemporain d’animation et de culture de Lambersart, baptisé
« le Colysée », bâtiment de verre, d’acier et de bois (dû à l’architecte Pierre-Louis Carlier) construit
en bordure de la Deûle, dans un environnement de jardins paysagés (Gilles Vexlard et Laurence Vacherot).
Pour les autres « folies », les organisateurs ont privilégié la réhabilitation d’édifices historiques mais aussi d’anciens bâtiments industriels, un pan essentiel du patrimoine du Nord. Dans un faubourg de Lille, c’est l’ancienne brasserie des Trois-Moulins qui a retrouvé son lustre grâce à l’intervention de l’agence Baron et Louguet. Cet ensemble de bâtiments de style néo-flamand en briques (avec ses traditionnels pignons à pas de moineaux), construit sur un vaste îlot dissimulé de la rue, a été remodelé et agrandi d’un discret pavillon neuf, pour abriter salle polyvalente, salle à manger de quartier et ateliers d’artistes.
À quelques encablures, la folie de Wazemmes affiche un caractère plus avant-gardiste. Ici, c’est l’ancienne filature Leclercq, fermée en 1990, qui a été laissée aux mains de Lars Spuybroek, l’animateur de la très médiatique agence néerlandaise NOX, dont les travaux ont été récemment exposés au Centre Pompidou. Adepte de la « non-forme », Spuybroek (en collaboration avec François Andrieux) a ici reconstruit l’un des deux corps de l’ancienne manufacture, établis de part et d’autre d’un vide central. Son bloc de béton est habillé, côté rue, d’une résille métallique ondulente, métaphore technologiste de l’ancienne activité des lieux. À l’intérieur, les formes organiques aux couleurs criardes englobent une salle de spectacles modulable. L’autre pavillon, resté dans son aspect traditionnel, abrite ateliers-logements et espaces collectifs, dont un hammam et une crèche, à la demande de la population du quartier, associée à la définition du projet.
Mais le programme le plus ambitieux est celui de la réhabilitation de la Condition publique à Roubaix. Initié par la municipalité, le projet a été habilement repris à son compte par « Lille 2004 ». Cette ancienne usine de stockage de matières premières textiles – on y mesurait le taux d’humidité des laines, soies et cotons pour en calculer le prix – construite en 1902, ferma ses portes en 1972. Racheté par la ville en 1998 et inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, ce morceau de ville d’un hectare, organisé autour d’une vaste rue couverte, a été transformé en centre culturel par un spécialiste de ce type de programme, l’architecte Patrick Bouchain, qui avait opéré la même métamorphose à Nantes dans l’ancienne biscuiterie LU.
À Roubaix, le principal défi pour l’architecte consistait à capter la lumière dans un lieu dévolu au stockage, couvert de grands toits plats sans ouvertures. Sur ces terrasses s’était développée une végétation spontanée de graminées, devenue une ferme pédagogique sous la houlette de la botaniste et plasticienne Liliana Motta. Des « prairies » roubaisiennes dominant les faubourgs de la ville… Il y a effectivement un petit grain de folie dans cette nouvelle génération de « maisons de la culture ».

- Dans le Nord (59) : Maison-Folie de Lille-Wazemmes ; la brasserie des Trois-Moulins à Lille-Moulins ; la Condition publique à Roubaix ; l’hospice d’Havré à Tourcoing ; la Ferme d’en haut à Villeneuve-d’Ascq ; le fort de Mons à Mons-en-Barœul ; le Colysée à Lambersart ; la porte de Mons à Maubeuge. - Dans le Pas-de-Calais (62) : l’hôtel de Guines à Arras. - En Belgique : l’île Buda à Courtrai ; les Arbalestriers à Mons ; le séminaire de Choiseul à Tournai. - Renseignements : 0890 39 2004, www.lille2004.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Vent de folie dans le Nord

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