De l’acanthe à l’artichaut, luminaires d’Henningsen

L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 394 mots

« Dès l’âge de dix-huit ans, quand j’ai commencé à expérimenter la lumière, j’ai toujours recherché l’harmonie. » Aveu banal d’un créateur consensuel s’il ne nous rappelait que Poul Henningsen,
ce designer danois (1894-1967) qui est réputé pour avoir créé le plus de luminaires après Dieu, n’avait commencé très tôt son aventure. Enfant, Henningsen vivait dans l’ombre des lampes à pétrole dont la lumière est si douce, les longues soirées de l’hiver nordique. Quand il commence à s’intéresser à la lumière au début des années 1920, il cherche à domestiquer l’éclat trop industriel de l’ampoule électrique en jouant sur les matières et les formes d’un abat-jour. Jeu de courbes organiques qui permet d’apprivoiser l’incandescence pour l’orienter sur le bureau, la diffuser aussi dans l’espace et créer ainsi une harmonie générale dans la pièce. Son souci principal était de ménager une transition dans l’intensité et de jouer avec les ombres pour éviter des frontières trop nettes. Les premiers modèles sont en métal peint, comme les lampes à huile du début du xixe siècle, et comme elles, les corolles de métal sont décorées d’une alternance subtile de palmettes antiques ouvertes et fermées. Un modèle aux tonalités rouge et noir rappelant même la polychromie préférée des fabricants du début du xixe siècle, directement inspirée des céramiques grecques.
Et c’est ici l’intérêt de l’exposition de Dansk Møbelkunst : de nous rappeler avec sa vingtaine de
lampes d’Henningsen, les racines trop oubliées du design : le néoclassicisme. Ceci est vrai des créations viennoises 1900 qui se pensent délibérément comme une reprise du Biedermeier mais aussi particulièrement au Danemark où la chaise Klismos joua pendant deux siècles un peu le rôle de la chaise Thonet sur le reste du continent. Ainsi l’œuvre la plus connue de Henningsen, la PH lamp, dite encore « lampe Artichaut », de 1958, ne serait que le fruit d’une longue série de greffes et de boutures initiée dans les années 1920 à partir de l’ornement clé de l’Occident : la palmette grecque. Henningsen lui-même insistait sur cette nécessité de s’inscrire dans une histoire.
Le design n’est pas né spontanément en 1920 dans une nurserie immaculée qui s’appellerait
le Bauhaus et cette histoire, on s’en rend compte tous les jours, est encore à écrire.

« Poul Henningsen », galerie Dansk Møbelkunst, 53 bis quai des Grands Augustins, VIe, tél. 01 43 25 11 65, jusqu’au 6 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : De l’acanthe à l’artichaut, luminaires d’Henningsen

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