Bienvenue aux clubs !

L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 461 mots

Aujourd’hui si familier, le fauteuil « club » pose une interrogation sur ses origines.
Il est né voilà plus d’un siècle avec toutes ses caractéristiques : assise basse entre les accotoirs, dossier doucement incliné en arrière, le tout habillé de cuir sur des pieds très courts. Il a un accent britannique qui respire le confort. En France, dès la fin du xixe siècle, les maisons de meubles le baptisent de surnoms évocateurs du chic anglais : fauteuil « Oxford », siège « Victoria », « Seymour », « Edward », « Brighton ». Ces appellations qui ont passé la Manche se renouvellent jusqu’aux années 1930 et ressurgissent après-guerre jusqu’à la bergère en cuir encore appelée « Sherlock Holmes », vers 1965, comme en témoignent les magazines de décoration.
Entre temps s’est passé un autre phénomène : l’émergence du style Art déco. Ruhlmann, dès 1915, avait ébauché un siège d’aspect cubique, réalisé dix ans plus tard, où le contour du dossier s’incurve
par derrière jusqu’aux consoles d’accotoirs rectilignes. Les grands ensembliers suivent le mouvement : d’Armand Rateau à Jean-Michel Frank et Jean Royère, tous les styles antérieurs sont redessinés avec des dossiers carrés, cloutés en arrondi, alignés sur les accotoirs ou en forme d’accolade. Des galettes de velours se substituent au cuir – trouvé trop glissant. Et bientôt se répandent des sièges de structure identique entièrement habillés de tissu. Pour les puristes, ce ne sont plus des clubs. La télévision relance le goût du confort assis. Et c’est seulement dans les années 1950 que les marchands réactivent le goût du club. Le succès aidant, avec l’engouement pour l’Art déco, on rénove les cuirs, on récupère les cadres anciens, en hêtre ou en sapin, on sauve les ressorts qu’on remonte sur des sangles en toile forte. Viennent ensuite les copies en grandes séries. À l’heure du choix, parmi des milliers de modèles, sachez que, pour des sièges récemment remis en état, les mousses synthétiques dissimulées sous le cuir s’avachissent. Mieux vaut une rénovation faite par un bon artisan sur une structure d’origine qu’une banale copie.
À l’achat, un fauteuil isolé remis en état sur un cadre ancien et bien entretenu à l’huile de vison, vaut en moyenne de 1 000 à 1 500 euros. Il faut compter plus du double pour une bonne paire. Aux enchères,
les prix pour une paire signée d’un grand nom (Ruhlmann, Adnet, Le Grain) peuvent monter de
20 000 à 100 000 euros, et parfois davantage. Il est vrai qu’à la revente un tel investissement est normalement payant.

SAINT-OUEN (93), marché Serpette, Philippe Rosenthal, tél. 01 39 18 36 83 ; Jean-Jacques Morge, tél. 01 40 12 36 00. L’ISLE-SUR-LA-SORGUE (84), village des antiquaires, Luc et Pascale Bonnefond, www.lucbonnefond.com. LYON (69), galerie Ambre, tél. 03 81 61 92 51.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Bienvenue aux clubs !

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