Journiac, rituels en corps

L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 327 mots

Le 15 octobre 1995, avec la disparition de Michel Journiac, s’arrêtait une des œuvres les plus significatives de la fin du XXe siècle.
Il revient aujourd’hui au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg d’organiser la première rétrospective de cet artiste désormais trop lacunairement connu. Prenant ses marques dans l’après-mai 68, sa démarche, outre son évidente charge de subversion sociale, aura eu pour permanente ambition de dépasser l’esthétique de son époque. Avec pour acte fondateur La Lessive (1969), installation recyclant les sous-vêtements d’artistes importants de son époque (Beuys, les nouveaux réalistes, entre autres) et reléguant les formalistes (Picasso et Mathieu en tête) dans un bac de linge sale, les deux principaux ressorts de Journiac sont annoncés : une corrosive et ludique ironie, la corporalité érigée au premier plan. On n’aura de cesse de les retrouver, même dans des actions aux atours macabres, à commencer par la célèbre Messe pour un corps pendant laquelle des communiants sont appelés à consommer des boudins au sang de l’artiste. Mais l’œuvre comporte des pans encore plus éminemment critiques. Par le Manifeste du chèque (cosigné par le critique François Pluchart, en 1970), Michel Journiac prend langue avec l’art conceptuel. Contre sa valeur en espèces sonnantes et trébuchantes un chèque qu’il a signé peut être échangé : ironie à l’égard d’un Joseph Kosuth et pourtant, au final, mimétisme réincarné. Un an plus tard, ce sera à la guillotine, qui exécute alors les derniers condamnés à mort, de passer sous le couperet. On redécouvre bien entendu aussi à Strasbourg, de travestissements en nombreux travaux sur la différence sexuelle, le Journiac le plus connu.
Si toute la difficulté d’une telle initiative muséale est de réactiver des œuvres essentiellement performatives, charpentée par un catalogue regroupant textes critiques et témoignages, l’actuelle rétrospective permet de ressaisir la portée d’une recherche singulièrement radicale pour son époque.

« Michel Journiac », STRASBOURG (67), musée d’Art moderne et contemporain, 1 place Jean Arp, tél. 03 88 23 31 31, 19 février-9 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Journiac, rituels en corps

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