Eloge de la déambulation

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 342 mots

Empruntant son nom au film éponyme de Tarkovski et abrité sous l’ambitieuse dénomination
de « laboratoire d’art urbain », le collectif Stalker rassemble depuis une dizaine d’années déjà, artistes, architectes et universitaires installés à Rome. Au programme de ce collectif dynamique, la recension ou plutôt la révélation de territoires en latence, livrés à l’oubli, échappés du tissu urbain. Ou comment faire l’expérience de la ville, en nouant un dialogue aussi radical que fécond entre programme urbain et espaces en friche. Les membres du collectif y répondent moins par un discours politique que philosophique aux lointaines inflexions situationnistes. Ni dénonciateurs d’espaces à la dérive, ni architectes en quête d’espaces susceptibles d’accueillir un projet, ils mettent en pratique un nomadisme collectif érigé en principe, arpentant depuis 1995 quelques grandes agglomérations (Milan, Rome, Miami, Strasbourg…), devenues lieux de collecte et d’expérience, dont ils rapportent les témoignages. Déambulations, rencontres, tracés imaginaires sont ainsi restitués sous forme de photographies, vidéos, textes ou cartes répertoriant les friches et manifestant ainsi ces « aires interstitielles et marginales » pour ce qu’elles sont et pour ce qu’elles tissent avec leurs populations et leur environnement construit. La belle exposition du CAPC de Bordeaux en dévoile quelques exemples en préambule de l’installation Amacario, édifiée dans la grande nef du musée. Profitant de l’ampleur des volumes et de l’architecture remarquablement restaurée, les membres de Stalker y ont ajusté un enchevêtrement de toiles blanches, encordées, suspendues, comme autant de hamacs solidaires offerts au visiteur, qui ne manque pas de s’y étendre ou de s’y balancer, le temps d’éprouver sa propre situation en même temps que l’espace qu’il expérimente. Stalker se risque finalement à formuler une sorte d’utopie de l’écart, du non-lieu, proposant une perception active de la ville, de son bâti tout autant que de ses marges, trous et franges urbaines. La ville érigée en situation à explorer, qui devrait réveiller l’arpenteur à l’affût qui sommeille en chacun de nous...

« Stalker », BORDEAUX (33), CAPC, grande nef de l’Entrepôt, galerie des projets, 7 rue Ferrère, tél. 05 56 00 81 50, jusqu’au 23 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Eloge de la déambulation

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