Ricciotti, architecte militant

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 404 mots

« Entre modestie et vanité ».
Cette expression de Rudy Ricciotti, utilisée pour qualifier l’une de ses constructions, pourrait passer pour une profession de foi. Critiqué ou adulé, Ricciotti appartient à la catégorie des architectes controversés. Lauréat du concours international d’architecture du Musée national des civilisations d’Europe et de la Méditerranée de Marseille, refusant l’invention pure et gratuite – il n’a pas cédé à la mode des formes organiques –, l’architecte préfère aller à l’essentiel et revendique son respect de l’usager et du territoire, avec une constante économie de moyens. Sa posture – brillamment analysée par Paul Ardenne dans une monographie récente – est claire : le militantisme pour une architecture citoyenne.
Gesticulations médiatiques ? L’exposition de la villa Noailles conçue par Florence Sarano autour des deux réalisations emblématiques de Ricciotti, le stadium de Vitrolles (1994) et la villa Lyprendi (1998), nous propose de juger sur pièces. Si Ricciotti a déjà beaucoup construit, dans le sud de la France – son agence est installée à Bandol – mais aussi à Sélestat, Séoul ou Postdam, les deux bâtiments choisis, qui sont peut-être les plus dénués de séduction, sont de véritables manifestes. En 1990,
la municipalité de Vitrolles décide de construire une salle de concert, en périphérie de la ville, sur le site d’une ancienne décharge mitoyenne d’une mine de bauxite et cernée d’une voie rapide. La réponse à ce site honteux est radicale : Ricciotti conçoit un cube de béton noir rugueux, réaction défensive et arrogante à l’agressivité de l’emplacement. Mais la nuit, alors que le bâtiment prend vie, il scintille d’éclats rouges lumineux. L’édifice fait scandale… Autre programme, autre site, tout aussi défiguré, celui de la villa Lyprendi. Dans un lotissement pavillonnaire des hauteurs de Toulon, la villa est accrochée à flanc de colline. Conçue comme un trait horizontal percé d’une unique façade, elle provoque ses voisines néoprovençales en prenant leur contre-pied, celui de l’artefact discret qui ne dialogue qu’avec la mer et ignore le paysage qui l’environne.
Telle est l’architecture de Ricciotti dans son expression la plus radicale – son projet pour le musée du Quai Branly l’eut été tout autant, s’il avait été sélectionné. Le fruit d’un engagement, non dans une révolution des formes, mais dans une révolution de l’acte de construire.

« Villas – Spectacles, Rudy Ricciotti, architecte », HYÈRES (83), villa Noailles, tél. 04 94 65 22 72, jusqu’au 12 avril. À lire : Paul Ardenne, Rudy Ricciotti, Ante Prima/Birkhäuser, 2003.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Ricciotti, architecte militant

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