Un autre Zao Wou-Ki

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 419 mots

Après l’exposition du Jeu de Paume, que restait-il à montrer de Zao Wou-Ki ? Beaucoup… comme le démontrent ces deux expositions des musées de Gravelines et de Dunkerque, qui ont privilégié les œuvres des années 1940-1960. Une manière d’aborder la genèse de l’art du peintre d’origine chinoise, mais aussi d’approcher certains traits de sa personnalité, sans voyeurisme, uniquement grâce à sa peinture, « ce langage pour les infirmes de la communication que nous sommes », comme lui écrivit un jour Manessier. En exposant son œuvre gravé, le musée de l’Estampe de Gravelines nous rappelle combien cette pratique émancipa le jeune Chinois, peu après son arrivée à Paris. En 1949, Zao Wou-Ki s’initie à la lithographie dans l’atelier de Desjobert. Certaines œuvres révèlent sa maladresse d’alors : « L’idée de jeter de la couleur sur une grande pierre blanche me plaisait. Comme pour l’encre de Chine, je mettais beaucoup d’eau. » C’est aussi dans cet atelier qu’il rencontre ces artistes qui resteront les amis d’une vie, tel Henri Michaux, qui signe en 1950 les textes de son premier livre d’artiste, début d’une longue série de dialogues poétiques avec Char, Cheng, Caillois, Bonnefoy ou d’autres.
Les peintures réunies à Dunkerque évoquent elles aussi la période de maturation de l’art du jeune Chinois, nourrie de sa fascination pour les grands maîtres. Avant même de quitter la Chine, il réalise d’après des cartes postales des compositions figuratives à l’huile – technique peu utilisée en Chine – inspirées de Cézanne, Matisse ou Chagall. L’appel de l’Occident étant devenu inéluctable, Zao Wou-Ki s’installe à Paris en 1948. Cette même année, il peint son Paysage au bord de la mer, dont les tonalités sourdes, qui semblent se déliter dans l’épaisseur de la toile, annoncent précocement ses choix futurs. En 1951, la découverte de l’art de Paul Klee l’amène à réduire sa figuration à des griffures, ces « pattes de mouche » dont parlait Michaux, ultime étape avant le basculement vers l’abstraction gestuelle. Ce parcours synthétique se clôt sur une « carte blanche » accordée au peintre, qui a choisi une dizaine d’œuvres dans les collections du musée d’Art contemporain. Sans surprise, c’est de ses amis – Mitchell, Soulages, Riopelle, Debré, Francis, Alechinsky… – qu’il s’est entouré.

« Zao Wou-Ki, La quête du silence », GRAVELINES (59), musée de l’Estampe, arsenal de Gravelines, tél. 03 28 51 81 00, jusqu’au 30 septembre ; DUNKERQUE (59), musée des Beaux-Arts, place du Général de Gaulle, tél. 03 28 56 21 65, jusqu’au 30 août. Catalogue, Somogy, 175 p., 28 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Un autre Zao Wou-Ki

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