Thibaut de Reimpré au Domaine perdu

L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 383 mots

La peinture de Thibaut de Reimpré offre peu de prise au discours. Pour peu que l’on se refuse à la définir selon les catégories historiques dont elle pourrait relever (abstraction lyrique, gestualité) – et l’on sent bien qu’un tel classement serait vain et improductif – nous voilà quittes pour aller chercher ailleurs ce que l’on aurait à en dire. Ailleurs : dans la peinture elle-même ; et dans notre propre regard, en assumant pleinement le risque de la subjectivité. Un petit coup d’œil en arrière peut cependant aider à mieux apprécier la qualité actuelle de cette peinture. On mesure alors l’effort d’allègement dont les œuvres récentes sont les fruits lumineux. L’« écriture » elle-même n’a pas fondamentalement varié. Elle relève d’une gestualité (on n’échappera pas aux termes consacrés !) dont dépend la vitalité du tableau. Les rapports du dessin et de la couleur, de la « figure » et du fond, sont constamment bouleversés, les uns et les autres étant comme « tressés » ou « noués » ensemble,
notamment grâce aux inclusions, au collage, dans le tableau, de fragments peints préexistants. Mais cette écriture s’est considérablement dégraissée. Elle s’est comme arrachée à sa gangue originelle, la fonction figurale qui, peu ou prou, entravait ses ailes. L’impression est celle d’une libération jubilatoire, d’une victoire de la couleur, sans violence mais totale ; d’un trop-plein de vie qui se dépense avec l’aisance, la grâce et les rythmes irrépressibles d’une enfance préservée au fond de soi et finalement, au terme d’un long travail, fécondée. Cette liberté et ce bonheur, on le sent, sont reconquis à chaque fois, dans chaque œuvre nouvelle, au prix d’une tension et d’un risque qui en font tout le prix. Cette peinture tire sa vitalité, sa jeunesse virulente, de se construire dans la déflagration, d’organiser ses forces au fil d’un mouvement discontinu, sans jamais rien arrêter.
L’exposition présente l’évolution de l’artiste au cours des dix dernières années, dans un lieu qui se signale par la qualité de sa programmation : la galerie du Domaine perdu, près de Sarlat, en Dordogne, tenue depuis dix ans par Chrystel et Bruno Lajoinie et qui jouit désormais d’espaces superbement rénovés dans une ancienne scierie artisanale.

« Thibaut de Reimpré », MEYRALS (24), galerie du Domaine perdu, tél. 05 53 30 47 50, www.ledomaine-perdu.com, 17 juillet-30 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Thibaut de Reimpré au Domaine perdu

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