À l’Est, du nouveau...

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 402 mots

Dernier volet de la trilogie amorcée en 1998 à l’Ensba avec « Donai Yamen ! Et maintenant ! », prolongée dans le cadre de Lille 2004 avec « Akimahen ! », l’exposition débordante déployée cet été par la collection Lambert en Avignon conclut la cartographie de la scène contemporaine japonaise esquissée par Éric Mézil. À nouveau, le parcours s’aventure au cœur des pratiques et démesures d’une jeune génération encore mal connue, emmenant cette fois quelques figures tutélaires de l’art nippon, parmi lesquelles On Kawara, Ueda, Eikoh Hosoe ou Hiroshi Araki et une substantielle représentation de stars déjà largement exportées en Occident, à l’image de l’explosive Yayoi Kusama, du délicat et séditieux Yoshitomo Nara, ou de Yasumasa Morimura, dont les reconversions kitsch, pourtant bien peu probantes de Rembrandt ou Frida Kahlo ont gagné les honneurs de deux pleines salles en Avignon. Un généreux frottement de générations qui donne lieu à quelques belles ironies. Ainsi Hikaru Miyakawa « s’offre-t-il » Takashi Murakami, en reproduisant le graphisme des fameux sacs Vuitton sur de précaires papiers cartons. Mais pour l’essentiel, le parcours avignonnais propose son espace à l’expérimentation et à la théâtralisation. Et la jeune génération s’en est emparé avec appétit et goût de la performance. En plus de consolider l’assise d’une scène artistique éclose dans les années 1990, et de rappeler que l’isolement artistique du Japon n’est plus qu’un lointain souvenir, l’exposition assemble finalement en un bouquet distendu une série de thématiques échevelées. Si ces dernières, souvent coincées dans leurs réactivités socioculturelles décrivent pour la plupart l’univers déglingué et anxieux attendu, manipulant candeur et sauvagerie dans une représentation à séduction immédiate (à l’image des lapins géants gonflables de Torimitsu), elles libèrent également quelques manières plus secrètes, passant par le dessin, l’inflexion documentaire, et des installations aux intonations poétiques. Une façon de débroussailler salutairement ce que le regard occidental est désormais encouragé à trouver/chercher dans le paysage artistique japonais : un regard lucide et sélectif sur le carcan traditionnel, le recensement des malaises générés par une société engoncée dans son collectivisme, une pratique trouble de la subversion, autant d’axes que les artistes japonais empoignent à bras le corps et qui donnent lieu ici à quelques dialogues corrosifs et énergiques entre pratiques ancestrales et technologies nouvelles, amnésie historique et course au progrès.

« Ejanaika ! Yes future ! Le Japon contemporain », AVIGNON (84), collection Lambert, 5 rue Violette, tél. 04 90 16 56 20, 9 juillet-10 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : À l’Est, du nouveau...

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