Les Kugel rive gauche

L'ŒIL

Le 1 septembre 2004 - 460 mots

Le flux périodique qui affecte les antiquaires depuis deux siècles, des deux côtés de la Seine, amorcerait-il un retour rive gauche ? C’est ce que laisse imaginer le choix des frères Kugel qui, après avoir pris le relais de leur père, rue Saint-Honoré, transportent leurs pénates faubourg Saint-Germain.
Le début du xxe siècle y avait connu de somptueuses installations d’antiquaires comme Jacques Seligman qui acquiert en 1909 l’hôtel de Sagan, rue Saint-Dominique, aujourd’hui ambassade de Pologne. L’hôtel Collot, quai Anatole France, choisi par les Kugel est un lieu marqué par l’antiquité dans tous les sens du terme. Jean-Pierre Collot, son fondateur, directeur de la Monnaie, était un ami d’Ennio Quirino Visconti, l’archéologue et ancien directeur à Rome des musées capitolins avant de devenir conservateur des Antiquités au Louvre. Comme lui, il collectionnait les médailles, les monnaies, les antiques et la peinture italienne, c’est tout naturellement qu’il fait appel à son fils Ludovico Tullio, ancien élève de Charles Percier et futur architecte du nouveau Louvre de Napoléon III. Les colonnes superposées, les statues de l’Apollon du Belvédère et d’Athéna témoignent en façade de cette nostalgie italienne tandis que les décors intérieurs marquent déjà un retour aux grands styles. Dans le grand salon, le parquet aurait pu être dessiné par Léo von Klenze pour la résidence de Munich mais les colonnes louis-quatorziennes et les corniches anciennes témoignent d’un goût déjà historiciste. François-Joseph Graf décorateur n’avait qu’à suivre le mouvement pour rénover la maison. Au rez-de-chaussée a été imaginée une galerie néoclassique pour les objets monumentaux,
les sculptures. Au premier, marqueteries de Boulle, bronzes et bois dorés se détachent sur fond de damas cramoisi tandis que le néoclassicisme est accueilli par une boiserie du XVIIIe siècle au décor de grotesques. Un ancien salon néo-Renaissance est le cadre idéal pour les majoliques, terres cuites émaillées, bronzes de la Renaissance. Une galerie de tableaux conduit à une véranda viscontienne (Luchino cette fois). Enfin les saints des saints, aux moulures gainées de velours – comme autrefois Victor Grandpierre pour le cabinet de l’amateur à l’Orangerie voisine –, deux Schatzkammer consacrées à l’orfèvrerie et aux objets précieux, une grande tradition de la galerie. Le grand escalier néo-Louis XV« 1900 » permet quelques clins d’œil « plaine Monceau » comme ces encoignures Louis XV placées, comme chez monsieur de Camondo, sur les paliers.
Lieu de présentation idéal, l’hôtel Collot permettra aussi aux Kugel de continuer leur politique d’expositions aussi prestigieuses qu’érudites, qu’on se souvienne des « Trésors des Tsars », de « Sphères, l’art des mécaniques célestes », ou des « Joyaux de la Renaissance ». Généralement ces expositions avaient lieu au moment de la Biennale des Antiquaires.
Cette année, l’inauguration de la nouvelle galerie en septembre fait définitivement de Paris l’incontournable rendez-vous du marché international de l’antiquité.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°561 du 1 septembre 2004, avec le titre suivant : Les Kugel rive gauche

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