Matisse côté sud

L'ŒIL

Le 1 septembre 2004 - 482 mots

Le premier mérite de cette exposition Matisse est d’avoir pu rassembler un ensemble significatif d’œuvres de la première période – avant la Première Guerre mondiale –, car peu sont aujourd’hui conservées en France. Outre des prêts de grandes institutions comme le musée d’Art moderne de la Ville de Paris (La Pastorale, 1906), le musée de Grenoble (Nu rose, 1909) ou le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg (Vaisselle et Fruits sur un tapis rouge et noir, 1906), Jean-Paul Monery réunit à L’Annonciade de nombreuses œuvres issues de collections particulières. Le fil conducteur du parcours est le sud, et plus précisément le goût de Matisse pour la lumière et les couleurs de Méditerranée, qui sera déterminant dans le développement de ses recherches. Un attrait pour le soleil qui se révèle d’abord en Corse. Le parcours, chronologique de 1898 à 1917, s’ouvre avec des vues d’Ajaccio et se poursuit à Saint-Tropez où l’artiste séjourne pendant l’été 1904 sur l’invitation de Signac, il y a tout juste un siècle. Viennent ensuite les années où il peint à Collioure et les influences plus lointaines, celles de l’Italie, du Maroc et de la Tunisie. Les débuts de Matisse sont très marqués par l’impressionnisme avec des petits tableaux peints sur le motif, même si la couleur s’annonce déjà forte (Paysage corse, 1898). Les tableaux qu’il produit à Toulouse (Maisons à Toulouse, 1899), davantage construits par la couleur, marquent une évolution. Lorsqu’il côtoie Signac à Saint-Tropez, Matisse produit des tableaux où il s’essaie au pointillisme dans des œuvres comme Le Goûter, qui préfigure Luxe, calme et volupté en 1905. Une salle est entièrement consacrée à Collioure. Derain y rejoint Matisse en juillet 1905, tous deux vont confronter leurs recherches et poser les grands principes du fauvisme. La couleur explose en grandes plages qui construisent le motif. Cette période-là est marquée dans l’œuvre de Matisse par des toiles où se croisent deux styles : les premiers grands aplats et la touche, clairsemée, qui laisse de la place au blanc (La Plage rouge, 1905). L’artiste s’éloigne peu à peu du sujet en tant que tel au profit de préoccupations d’ordre purement plastique. Le meilleur exemple est son Nu rose de 1909 ; « Ce n’est pas une femme que je peins, c’est la Méditerranée », dit-il alors. Le personnage féminin est traité comme le paysage et Matisse introduit une notion qui est par la suite fondamentale dans sa peinture, celle du décoratif.
L’exposition présente d’importantes natures mortes, dont la Nature morte aux asphodèles de 1907, ou l’inachevée Nature morte à la statuette (collection particulière, 1907-1908) qui, par les quelques éléments peints au centre de la toile, laisse imaginer une vaste et complexe composition. Des œuvres peu ou jamais vues qui méritent à elles seules une visite.

« Henri Matisse, émerveillement pour le sud », SAINT-TROPEZ (83), L’Annonciade, place Grammont, tél. 04 94 97 04 01, 10 juillet-11 octobre, cat. 96 p., 25 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°561 du 1 septembre 2004, avec le titre suivant : Matisse côté sud

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