72

Par Marie Maertens · L'ŒIL

Le 1 octobre 2004 - 393 mots

C’est une idée originale que cet ouvrage intitulé laconiquement 72. Créé à l’initiative du Frac Paca, de l’espace Paul Ricard et du centre de l’estampe de Chatou, le concept en était de demander aux artistes d’envoyer des projets non réalisés « faute de temps, de moyen ou d’opportunité ». L’intitulé précisait d’ailleurs projets pour ne plus y penser sous-entendant que l’édition pourrait avoir le même effet cathartique que la réalisation effective de l’œuvre. 72 analyse tout d’abord la question du projet : est-il le lieu où se profère l’idée, l’idée elle-même ou un bloc-notes, un aide-mémoire ? Et si pour certains artistes il atteste de la transcendance d’une œuvre s’annonçant tout entière comme projet, pour d’autres il demeure un point d’arrêt dans le processus de réalisation sans avoir la puissance de l’œuvre. Ces interrogations renvoyant à la genèse de l’art conceptuel, notamment la valorisation de l’idée et sa supériorité sur la réalisation chez Sol LeWitt, qui permettait à d’autres d’exécuter ses pièces. Ou encore les déclarations de Lawrence Weiner, administrant une valeur équivalente pour une œuvre accomplie ou non. L’autre intérêt de 72 est d’avoir demandé aux artistes des propositions destinées à une fonction sociale afin de montrer quelles étaient leurs préoccupations face au monde. On y constate que la question de l’œuvre d’art elle-même et sa monstration ont la part belle. Par exemple, Gilles Barbier avait imaginé, pour sauver les petites œuvres jamais regardées, une cimaise mobile qui suivrait le visiteur. Thomas Hirschhorn conçut un conduit pour amener celui-ci de la rue vers une seule œuvre du musée, Didier Mencoboni avait projeté une tombe pour tableaux, Emmanuelle Bentz un enseignement de la performance permanente et Alain Rivière proposait un tunnel permettant de passer à travers les expositions sans voir les œuvres ! On notera encore que certains projets, d’ailleurs irréalisables, représentent de ce fait des œuvres accomplies, comme la question du changement d’identité chez Alice Anderson ou la prime à la visibilité pour le troisième âge et leur réinsertion dans l’espace public de Francesco Finizio, sans compter les nombreuses utopies. Dessins, croquis, plans, montages numériques ou simples textes, que d’aucuns auraient pu davantage développer, énoncent ces desseins. Cet ouvrage en les sortant de l’ombre permettra-t-il leur concrétisation ? À suivre.

72 (projets pour ne plus y penser), coéd. Centre national de l’estampe et de l’art imprimé/Espace Paul Ricard/Frac Provence-Alpes-Côte-d’Azur, non paginé, 20 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°562 du 1 octobre 2004, avec le titre suivant : 72

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