Le documentaire humaniste à redécouvrir

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 novembre 2004 - 482 mots

La société Artcurial Briest-Poulain-Le Fur organise avec la collaboration de Sam Stourdzé, transfuge de la galerie 14/16 Verneuil, la vente du fonds Hachette Filipacchi Photos. Un nom de guerre qui chapeaute plusieurs agences aux tessitures différentes. Née en 1917, Keystone est un témoin de l’histoire, de la Révolution russe à la montée du nazisme en passant par les accords de Camp David. Créée en 1933, Rapho fédère l’école humaniste française d’après-guerre tandis que Gamma vibre au rythme de l’actualité brûlante des sixties. La numérisation des tirages pour la vente des droits de reproduction pose depuis peu la question du stockage des quelque 36 millions de tirages papiers du groupe. « Les agences se rendent compte que ce qui pouvait être un cauchemar logistique peut être fructifié », souligne Grégory Leroy, spécialiste d’Artcurial. La valeur ajoutée en terme de communication n’est pas non plus négligeable, d’autant plus qu’exception faite de Magnum, les agences ont été les grands absents du marché. Résultat des courses pour cette première vente dont plusieurs autres volets sont prévus, deux cent quarante lots issus pour 50 % de l’agence Rapho et des estimations de 500 à 6 500 euros. « Les œuvres choisies sont comme un passeport. Vous avez d’un côté la photo, de l’autre les visas, les éléments qui permettent de connaître l’itinéraire de la photo. Le dos est aussi important que la face », rappelle Sam Stourdzé. Les organisateurs préfèrent au terme de photojournalisme, connoté sur l’instant et l’événement, celui plus intemporel de documentaire. La vente donne des coups de projecteur sur l’école humaniste française, notamment Willy Ronis, promu au rang de doyen des photographes français depuis le décès d’Henri Cartier-Bresson. La cote de Ronis était jusqu’à présent en sourdine. Les publications ne retiennent de lui qu’un Paris pittoresque, des mièvreries qui ont perverti l’aura internationale des photographes hexagonaux. On leur a souvent opposé l’école new-yorkaise, au regard plus grinçant et aux compositions décadrées. Pourtant les passages de témoins de part et d’autre de l’Atlantique sont plus fréquents qu’on ne l’imagine. Une cinquantaine de photos de Ronis, dont quarante vintages, sont à l’affiche entre 1 000 à 7 000 euros. Certes on retrouve pour 3 000-4 000 euros son fameux Nu provençal de 1949, mais aussi l’image plus âpre du Drame du rail (1948), tirage d’époque estimé 4 000-5 000 euros. « Les prix de Ronis sont virtuels, tout comme l’étaient ceux de Cartier-Bresson avant que n’apparaissent des vintages sur le marché », rappelle Grégory Leroy. Les photographes mis en lumière par cette vente ne semblent d’ailleurs pas animés des réticences de Cartier-Bresson, qui avait toujours refusé de valoriser ses vintages. S’il semble difficile que des tirages de Ronis frôlent de sitôt les 100 000 euros, une brèche est du moins ouverte.

Vente du fonds Hachette Filipacchi Photos, 13 novembre. Exposition : 2-12 novembre. Artcurial, 7 rond-point des Champs-Élysées, Paris VIIIe, tél. 01 42 99 20 20.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°563 du 1 novembre 2004, avec le titre suivant : Le documentaire humaniste à redécouvrir

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