Histoire du Salon de peinture

L'ŒIL

Le 1 décembre 2004 - 648 mots

Alors que le mot « salon » n’évoque plus grand-chose de significatif pour la scène artistique contemporaine, le Salon est aux XVIIIe et XIXe siècles l’exposition magistrale qui regroupe les artistes importants de son époque, faisant alors de Paris un point de passage obligé si ce n’est même la capitale internationale de la peinture. C’est sur l’histoire de cette manifestation que l’ouvrage se penche, avec la verve et la sidérante précision de Gérard-Georges Lemaire qui est écrivain, historien, critique d’art et à ce titre collaborateur régulier de L’Œil. Une entreprise de toute première importance qui n’avait jusqu’alors été menée que de manière parcellaire.
En effet, les rebondissements d’une exposition centrale dans l’art des trois derniers siècles nous informent à plus d’un titre sur sa situation et sur son contexte de production. Quand l’histoire du Salon ne croise pas celle des institutions artistiques françaises (à commencer par le muséum d’Art qui rejoindra le Salon dans le palais du Louvre en 1793) et celle de la critique d’art, elle rencontre les péripéties d’une période partagée entre monarchie et révolutions. Le Salon qui commence à être ouvert au public au début du XVIIIe siècle ne tarde pas à devenir le lieu de découverte des nouveaux courants esthétiques. Quelques temps forts parmi de nombreux autres : en 1819 on y retrouve en premier vernissage Le Radeau de la Méduse de Géricault, douze ans plus tard La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. En 1859, en annexe de l’exposition, la Société française de photographie présente des images mécaniques qui pousseront Baudelaire à écrire sa célèbre diatribe contre ce qui lui paraît être une substitution de l’art par l’industrie. C’est qu’à travers toute son histoire le Salon est cerné par des enjeux corporatistes et esthétiques multiples, poussant les uns à s’opposer au jury de sélection et par là même à l’Académie puis à l’Institut des beaux-arts, et les autres à commencer à organiser des expositions parallèles. Alors que pour d’autres encore, à l’instar de Jacques-Louis David, la manifestation constitue un terrain tactique de prédilection.
Les remous polémiques auront pour aboutissements la création par Napoléon III du bien connu Salon des refusés (parmi lesquels Manet, Fantin-Latour, Pissarro et Courbet qui expose par ailleurs au Salon officiel), divers remaniements successifs du mode de sélection (dont l’absence de jury en 1848) et sans doute le désengagement de l’État en 1881. Ce qui mènera par la suite des associations d’artistes de plus en plus nombreuses à se revendiquer de la manifestation disparue.
Quant à la critique d’art, si elle n’apparaît en tant que genre littéraire qu’avec le Salon de 1763 de Denis Diderot, plusieurs textes parus au sujet de l’exposition lui préparent le terrain. C’est ainsi que deux anonymes publient chacun, respectivement en 1741 et en 1747, un compte rendu critique de l’exposition. Si le premier est plutôt grossier par son style et par son imprécision, comme on peut le constater en lisant l’essai de Lemaire (c’est d’ailleurs l’un des grands mérites de l’ouvrage de reproduire de manière récurrente des extraits des auteurs cités), le second est indéniablement l’œuvre d’un lettré, lequel sera identifié plus tard  : La Font de Saint-Yenne, gentilhomme de la reine de 1729 à 1737. Concomitance bien troublante que celle du Salon et de la critique institutionnalisée !
Autant d’anecdotes et de repères à glaner tout au long de la lecture d’Histoire du Salon de peinture. Ce volume remarquable y gagnerait cependant s’il contenait un tableau chronologique du Salon dont les débuts sont un peu confus (c’est pour cela d’ailleurs que l’auteur commence à juste titre son essai par la « naissance d’une Académie d’art à la française », laquelle va conditionner l’apparition de l’exposition). Gageons que cette annexe nécessaire sera ajoutée lors d’une réédition de ce livre qui s’impose d’ores et déjà comme un ouvrage de référence.

Gérard-Georges Lemaire, Histoire du Salon de peinture, Klincksieck, collection « Études », 2004, 256 p., 14 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Histoire du Salon de peinture

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