Le Prince et la Russie

L'ŒIL

Le 1 décembre 2004 - 383 mots

Élève de Boucher, Jean-Baptiste Le Prince (1734-1781) doit sa notoriété à son caractère aventureux et à sa curiosité qui le firent voyager, principalement en Russie de 1758 à 1763. Il y reçoit des commandes officielles, pour la décoration du palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, mais surtout, au fil de ses voyages de Moscou à la Finlande et à la Sibérie, il remplit ses carnets à dessin de scènes de la vie quotidienne, prises sur le vif. Là est son originalité. De tous les artistes étrangers voyageant en Russie à l’époque des Lumières, il est le seul à s’intéresser aux coutumes populaires. À son retour, ce répertoire va nourrir son œuvre pendant plusieurs années. Il est agréé à l’Académie en 1764, puis reçu l’année suivante avec un Baptême russe dont Diderot fait un éloge truffé de pointes assassines. Trois ans plus tard, l’écrivain charge ouvertement ce peintre qui exploite les thèmes russes comme un fonds de commerce et qui s’appauvrit en se répétant : « Si Le Prince n’y prend garde, s’il continue à se négliger sur le dessin, la couleur et les détails […], il ne sera plus rien, mais rien du tout ; et le mal est plus avancé qu’il ne croit. Ne valait-il pas mieux d’avoir fini un tableau que d’en avoir croqué une douzaine ? » Et sans doute, en tant que peintre, Le Prince est un petit maître, très inégal. Mais l’exposition de Rouen porte sur l’aspect le plus intéressant de son œuvre, les dessins et les gravures. Parallèlement aux tableaux abondamment montrés au Salon, Le Prince publie de non moins nombreuses suites d’estampes où s’exercent les qualités d’un graveur à qui l’on doit la mise au point de la gravure « en manière de lavis », c’est-à-dire l’aquatinte. Ses illustrations pour le Voyage en Sibérie fait par ordre du roi en 1761 contenant les mœurs, les usages des Russes et l’état actuel de cette puissance, publié par l’abbé Chappe d’Auteroche, constituent peut-être son chef-d’œuvre. Elles forment le noyau de l’exposition rouennaise, organiséee à partir du fonds Jules Hédou, légué par ce premier biographe de l’artiste à la bibliothèque de la ville en 1905.

« Jean-Baptiste Le Prince, Le voyage en Russie », ROUEN (76), musée des Beaux-Arts, 1 place Restout, tél. 02 35 52 00 62, 24 septembre-10 janvier 2005.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Le Prince et la Russie

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