La galerie d’Apollon

Ors et diamants

L'ŒIL

Le 1 janvier 2005 - 864 mots

Après une campagne de restauration de grande ampleur, la galerie d’Apollon au Louvre rouvre ses portes. Lieu historique, galerie d’apparat voulue par Louis XIV au moment de son accession au pouvoir, c’est aussi un sommet de l’art français du Grand Siècle.

La galerie d’Apollon est née dans les cendres. Celles de la petite galerie, détruite par un incendie le 6 février 1661. Celle-ci raccordait le palais à la grande galerie construite par Henri IV entre 1595 et 1606 pour relier le Louvre au château des Tuileries. À l’étage elle renfermait un décor peint avec les effigies des rois de France ; la « galerie des rois », comme on l’appelait, proclamait ainsi la continuité monarchique, au moment où les Bourbons succédaient aux Valois. Sur ces cendres, le nouveau roi va édifier un monument à la gloire du soleil devenu son emblème. L’architecte Louis Le Vau reconstruit les façades. Colbert charge Le Brun de concevoir le décor de la future galerie d’Apollon.

Les galeries de peintures
Mais qu’est-ce au juste qu’une galerie ? D’un point de vue fonctionnel, c’est un espace allongé, éclairé a priori des deux côtés, qui assure le passage entre deux parties d’une demeure palatiale. Cet espace se prête naturellement au déroulement de grands décors muraux à l’iconographie recherchée, que le visiteur décrypte au rythme de sa marche. Bien souvent, elle sert d’écrin aux collections qui y sont exposées. Dans les galeries « à la française », des lambris de bois occupent la partie inférieure des murs, leur partie haute étant réservée aux fresques, éventuellement encadrées de stucs. Mais après 1630, l’influence italienne impose un nouveau parti, où la peinture, à travers une continuité d’effets perspectifs, déploie sur les voûtes un système illusionniste complexe. Le modèle italien avait présidé à plusieurs grands décors français, y compris ceux que Le Brun, après son séjour romain (1642-1645), avait lui-même réalisés, notamment à Vaux-le-Vicomte.
Mais à l’emplacement de l’ancienne galerie des rois, il importait de respecter la tradition nationale, enjeu symbolique – tout en intégrant la « modernité » italienne. Le Brun maintient les traditionnels lambris et place le décor principal sur la voûte (une coque en plâtre de soixante mètres de long légèrement dissymétrique afin de mieux répartir l’éclairage ici unilatéral). Mais les peintures s’insèrent dans un réseau de compartiments fortement articulés, reliés entre eux par les figures de stuc (ill. 4). Loin des grandes envolées picturales et des figures plafonnantes des décors baroques, c’est ici le cadre qui impose son ordre, renforcé par la profusion ornementale.
Le programme iconographique, sur le thème de la course du soleil, est une glorification du roi Soleil. De même que l’astre du jour, au centre d’une vaste cosmogonie, assure l’harmonie universelle, de même le souverain est le centre et le garant de l’harmonie en son royaume. La course du dieu solaire se déroule dans le temps (heures, mois, saisons) et dans l’espace (éléments, quatre parties du monde, planètes). Les peintures du sommet de la voûte illustrent les différents moments de la journée. Le compartiment central, destiné à l’apparition triomphale d’Apollon, détermine l’enchaînement des différents cycles symboliques auxquels participent tous les éléments du décor : grandes peintures, sculptures, reliefs, ornements peints en trompe-l’œil, dans la profusion des ors. La sculpture, confiée à Girardon, Regnaudin et aux frères Marsy, est d’une qualité exceptionnelle.
Le Brun ne peint lui-même que quelques-unes des compositions qu’il a imaginées : Le Triomphe de Neptune et d’Amphitrite, l’ovale du Soir et l’octogone de La Nuit (ill. 2 et 5), celle-ci d’une tonalité merveilleusement lyrique, où l’on voit Diane, portée sur un char que traînent des biches, plonger vers la terre pour rejoindre Endymion.

Achèvements, restaurations
Mais en 1677, Louis XIV abandonne le Louvre pour Versailles. La galerie d’Apollon est laissée inachevée. Elle servira de cabinet des tableaux du roi, puis reviendra à l’Académie de peinture (1764). Celle-ci aura à cœur de compléter le décor. Ainsi, Calet, Taraval, Durameau, Lagrenée réalisent le cycle des Saisons qui se déroule sur les montées de la voûte. Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle pour que la galerie, devenue entre-temps lieu d’exposition, soit enfin achevée. Car il restait encore à garnir le cul-de-four de l’extrémité nord (Guichard), le compartiment de l’Aurore (Muller), et surtout le grand compartiment central, qui fut confié à Delacroix. Son Apollon vainqueur du serpent Python ouvre un abîme sidéral où le mythe retrouve son mystère et sa puissance. Ces commandes furent passées à l’occasion de la grande restauration entreprise par l’architecte Félix Duban (1848-1851), qui respecta scrupuleusement l’état historique. On doit encore à Duban la commande des vingt-huit portraits de personnages illustres qu’il fit insérer dans les lambris. Ces remarquables tapisseries des Gobelins sont elles aussi, à leur manière, des trompe-l’œil : on croirait voir de la peinture.
Dix ans après cette restauration, une vingtaine de vitrines, véritables sculptures dans le style « louis-quatorzien », furent installées pour présenter les collections royales de vases en pierres dures, et en 1887 les prestigieux diamants de la Couronne. C’est dans le scintillement de tout ces feux ravivés par la récente restauration (ill. 3) que la galerie s’offre à nouveau au public.

La galerie Apollon est visible tous les jours sauf le mardi de 9 h à 18 h, mercredi et vendredi jusqu’à 21 h 45. PARIS, musée du Louvre, Ier, tél. 01 40 20 50 50, www.louvre.fr

La restauration 2001-2004

La restauration a porté sur un ensemble très dégradé. Menée sous la direction de Michel Goutal, architecte en chef des Monuments historiques, elle a mobilisé une soixantaine de spécialistes. L’idée était de retrouver l’harmonie d’ensemble instaurée par Duban, en réintégrant les vitrines restaurées elles aussi, et en pratiquant une remise à niveau technique (à noter le système d’éclairage totalement « transparent »). Cette remarquable campagne a bénéficié du mécénat de Total.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°565 du 1 janvier 2005, avec le titre suivant : La galerie d’Apollon

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