Le peintre et le commissaire

L'ŒIL

Le 1 janvier 2005 - 345 mots

Karel Appel et Rudi Fuchs : l’association de ces deux noms fameux (qui n’est pas nouvelle, le commissaire, ancien directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam, est de longue date un ardent défenseur du peintre hollandais) devait semble-t-il garantir un succès public. L’exposition se présente comme un « voyage de Rudi Fuchs au cœur de l’art du Pays-d’en-Bas », voyage à deux, en principe, puisque c’est l’œuvre d’Appel qui est mise « en dialogue » avec ces traditions nordiques, de Rembrandt à Luc Tuymans. Le noyau de ce déploiement historique étant les salles consacrées au mouvement Cobra dont Appel fut un des protagonistes. C’est aussi la partie la plus dense et la plus convaincante de l’exposition. Appel y est logiquement confronté à des artistes proches, qui partagent avec lui les mêmes valeurs de sauvagerie et de spontanéité. Ailleurs, on ne comprend pas très bien ce qui se passe. Face aux anciens ou aux peintres belges du xxe siècle, le « dialogue » s’établit difficilement. Pour une raison bien simple : ce n’est pas celui de l’artiste. Il paraît même assez clair qu’Appel n’a que faire de se frotter à la tradition. Les confrontations sont forcées, même et surtout quand l’artiste – pour justifier le propos ? – s’essaie à quelques « variations » sur un tableau de Van Dyck. Visiblement, Appel n’est pas du voyage, il est tout au plus dans les bagages de Fuchs. Et c’est dommage pour lui. D’autant que sa production récente, autre temps fort de l’exposition, est déroutante. Pour le moins : s’il nous avait habitués, par l’ampleur de ses empâtements, à une « victoire de la matière » (titre d’une de ses séries), celle-ci remporte désormais un écrasant triomphe. Objets inclus ou montés sur socle à roulettes et « attelés » aux tableaux, tout un bric-à-brac pseudo-ethnographique et bariolé défile le long des cimaises. Triomphe accablant de la quantité et du kitsch, ou défaite d’une peinture cherchant ses justifications à l’extérieur d’elle-même ? Il nous semble en tout cas que ces œuvres déjà problématiques sont desservies par le contexte, et qu’une même confusion noie le tout.

« Karen Appel », BRUXELLES, Palais des beaux-arts, rue Ravenstein 33, tél. 02 507 84 44, jusqu’au 16 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°565 du 1 janvier 2005, avec le titre suivant : Le peintre et le commissaire

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