Per Kirkeby, en quête d’origine

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2005 - 391 mots

La peinture est couche. Elle est recouvrement. Par nature, elle a donc à voir avec la géologie. Comme elle, la peinture se contruit à partir d’une stratification et pour tout dire d’une sédimentation. La peinture est dépôt. Né à Copenhague en 1938, Per Kirkeby est tout à la fois peintre et géologue ; polymorphe, son œuvre fait appel indifféremment à la surface, au volume, au mot et au mouvement. Peinture, sculpture, poésie et cinéma, Kirkeby opère sur tous les fronts. « Tout ce que je fais, quels que soient les matériaux avec lesquels je m’exprime, c’est la même chose, cela revient au même. » Mais quel est donc ce « même » dont il parle ? Une image du monde, fragmentée, l’image d’un détail, qui aurait cette qualité supérieure de conjuguer dans la même unité plastique le micro et le macro, l’alpha et l’oméga, le local et le global. « Tout est mêlé, affirme l’artiste : structure, espace, qualités tactiles, la façon dont la lumière joue sur la surface… » Au compte d’une vision du monde qu’il appréhende dans la fusion généralisée d’un seul et même événement, l’art de Per Kirkeby nous renvoie à un certain
retour aux sources. Ni proprement figuratives, ni vraiment abstraites, ses peintures apparaissent comme des paysages qui témoignent de la relation d’intimité que l’artiste entretient avec la nature. Une intimité qui est autant celle d’un artiste que celle d’un scientifique. Quelque chose de duel, voire d’antagoniste, est à l’œuvre chez Kirkeby : ses peintures procèdent tant de l’organique que du construit, du fluide que du structuré ; ses sculptures, tant du bâti que du modelé, du vide que du plein. Sensation et observation sont les composantes majeures de l’art de Kirkeby dans cette tentative qui est la sienne de mettre en forme un monde où la nature paraît intacte et originelle. Si l’humain y est quasi absent, c’est qu’il s’y trouve confondu plus ou moins explicitement tant au végétal qu’au minéral. Nombreuses sont les œuvres de Per Kirkeby qui renvoient le regardeur à l’espace de son corps. Parce que rien n’intéresse plus l’artiste qu’à rendre compte de l’unité qui célèbre l’osmose universelle de tous les ordres.

« Per Kirkeby », TOULON (83), hôtel des arts, 236 boulevard Général Leclerc, tél. 04 94 91 69 18, 4 décembre - 30 janvier. PARIS, galerie Vidal-Sainte Phalle, 10 rue du Trésor, IVe, tél. 01 42 76 06 65, 5 février-24 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°565 du 1 janvier 2005, avec le titre suivant : Per Kirkeby, en quête d’origine

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