Egon Schiele, le corps à vif

L'ŒIL

Le 1 avril 2005 - 444 mots

En seulement dix ans, Egon Schiele a produit une œuvre d’une maturité et d’une force expressive exceptionnelles, nourrie de son obsession pour le corps, la sexualité et la mort.

Egon Schiele meurt à vingt-huit ans, emporté en 1918 par la grippe espagnole. En dix ans d’une carrière fulgurante, il aura produit quelque trois cents huiles et plus de deux mille cinq cents dessins, qui composent l’une des œuvres les plus fortes de son époque. Marqué par Van Gogh, Munch et son ami Klimt – fondateur aux côtés d’Olbrich et Hoffmann de la Sécession viennoise, en réaction contre l’art officiel –, Schiele commence par peindre des paysages et des portraits, dans l’esprit du Jugendstil (l’Art nouveau autrichien). Très vite l’obsession de son propre corps, puis de celui des autres, va porter son œuvre du côté d’un dessin tourmenté tout entier tourné vers la figure humaine. L’artiste se plaît à bousculer les esprits et à choquer (L’Hostie rouge, 1911). Comme Klimt, il fera scandale avec des œuvres érotiques ou franchement pornographiques.

Des corps à vif
D’une grande force expressive, ses œuvres graphiques sont axées de façon obsessionnelle sur la sexualité, la souffrance et la mort – il peindra des femmes malades et des enfants mort-nés, un fœtus dans le ventre de sa mère morte. Des corps gris, tirant sur le vert, rehaussés ici et là d’aquarelle, de bruns et de rouges éclatants ; des scènes où il n’est jamais question de tendresse. Il y a toujours une tension dramatique, une noirceur sous l’abandon des corps enlacés. Une brutalité donnée par la force et la sûreté du trait qui cerne les figures.
« J’irai si loin qu’on sera saisi d’effroi », disait-il en 1911. Loin dans la déformation de corps à vif, décharnés, rongés. Loin dans la représentation de la sexualité dans ce qu’elle peut avoir de plus cru. Chez Schiele, les sexes sont offerts, béants ou dressés, rouges et gonflés, les visages sont cadavériques, le regard souvent perdu ou vide. Il choisit ses modèles dans la rue, parmi les jeunes filles androgynes et les prostituées, qu’il dessine sans pudeur. L’exposition organisée au Van Gogh Museum d’Amsterdam en collaboration avec l’Albertina de Vienne rassemble une centaine de gouaches, d’aquarelles et de dessins, de nombreux nus féminins mais aussi des portraits d’hommes et des autoportraits. Qu’il peigne sa sœur Gertrude, une femme inconnue ou qu’il se mette lui-même en scène, c’est toujours avec le même regard sans concession. C’est cette sincérité-là qui rend son œuvre si humaine, au-delà de la noirceur profonde de l’univers qu’elle décrit.

« Egon Schiele », AMSTERDAM (Pays-Bas), Paulus Potterstraat 7, tél. 20 570 52 00, 25 mars-19 juin, cat. Egon Schiele : Love and Death, Van Gogh Museum/Hatje Cantz, 160 p., 140 ill., 29,50 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°568 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Egon Schiele, le corps à vif

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