Kawauchi, l’insignifiant et le transitoire

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 avril 2005 - 322 mots

Depuis qu’elle a reçu voilà quatre ans le 27e prix de photographie Ihei Kimura, Rinko Kawauchi, née en 1972 dans la préfecture de Shiga, au Japon, est devenue une véritable star. Ses images – qui n’ont pas manqué de faire sensation aux Rencontres d’Arles l’été dernier – sont d’une extrême simplicité et d’une grande douceur. Attentive aux petits riens qui font le quotidien, elle en saisit les moindres détails. La façon qu’elle a de pointer son objectif sur un robinet qui goutte, sur un rideau que le vent fait s’envoler, sur un bouton de fleur qui éclôt, sur un œuf qui s’entrouvre, en dit bien plus sur le monde humain et animal que n’importe quel discours. Il y va chaque fois d’un instant capté qui s’applique à mettre en exergue l’expérience sublime de la vie et de la mort, irrésistiblement liées. Les images de la jeune photographe sont aussi belles qu’elles peuvent être dérangeantes, mais elles le sont toujours sur le fil tendu d’un regard simple et direct qui privilégie le subtil à l’éloquent, le suggéré au littéral. Parce qu’il en appelle à des vibrations furtives, à des mouvements éphémères, à des battements d’aile, à des gestes suspendus, l’art de Rinko Kawauchi ne peut que nous émouvoir car il célèbre tout à la fois l’insignifiant et le transitoire. Les qualités plastiques de ses images, qui associent couleurs pastel et jeux de lumière, surenchérissent cette dimension de fragile intimité qui font la marque de son style et qu’accentue la pratique de la série. Il en est ainsi de l’une de ses dernières, intitulée cui cui, présentée à la fondation Cartier, qui est constituée de photos de famille et de lieux qu’elle lui associe et dont le titre renvoie au chant doucereux des oiseaux comme une métaphore des liens qui en unissent les membres.

« Rinko Kawauchi », PARIS, fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, XIVe, tél. 01 42 18 56 50, 18 mars-5 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°568 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Kawauchi, l’insignifiant et le transitoire

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