Les visions oniriques de Mario Giacomelli

L'ŒIL

Le 1 avril 2005 - 459 mots

Images sublimes d’une réalité métamorphosée, les clichés en noir et blanc de Mario Giacomelli (1925-2000) réunis à la BNF composent une œuvre inspirée par la poésie.

D’un univers des plus quotidiens, celui d’un village italien avec ses mariages, sa maison de retraite, ses paysans occupés aux travaux des champs, Mario Giacomelli a puisé l’inspiration d’une œuvre photographique d’une beauté saisissante. Issu d’une famille modeste, l’homme n’oublie jamais d’où il vient ; sa vie est là, à Senigallia, dans la région des Marches où il naît en 1925 et meurt en 2000, après cinquante ans de pratique d’un art qu’il a toujours considéré comme « une expérience de vie ».
Conçue par Anne Biroleau, l’exposition ne se veut pas une rétrospective classique, chronologique ou thématique. L’accrochage privilégie les rapprochements formels, en mélangeant les différentes séries et les époques. Un parti pris judicieux puisque le photographe a constamment retravaillé, recadré ses images, certaines séries courant sur plusieurs décennies (Verrà la morte e avrà i tuoi occhi, 1954-1983 ; Paesaggi, 1954-2000). En cent soixante-cinq clichés issus des collections du département des Estampes et de la Photographie de la BNF, mais aussi du musée municipal de Senigallia et de la collection Enzo Carli, le parcours met en évidence, au-delà du caractère séduisant des images et de ce grain immédiatement reconnaissable, les recherches continuelles de Giacomelli sur la forme.

La photographie comme écriture
Personnages, animaux ou paysages sont transfigurés par des agencements et des compositions qui réinventent l’espace. « Je crois à l’abstraction dans la mesure où elle me permet de m’approcher un peu plus du réel », disait-il. C’est ainsi que ses paysages deviennent de véritables champs abstraits, évoquant par leur structure et leur matière quasi picturale les compositions de Poliakoff ou de Staël. Griffures, zébrures, signes, composent un vocabulaire graphique qui pourrait être celui d’un dessinateur ou d’un graveur. La photographie devient alors écriture, tandis que l’écriture – et en particulier la poésie – ne cesse de nourrir la photographie de Giacomelli.
Sur le plan technique, le photographe explore toutes les possibilités offertes par le médium, utilise le flou, le bougé, les superpositions de négatifs et les retouches. Il sature les noirs et laisse éclater les blancs. Mêlé à celui des cadrages, ce jeu des contrastes fait basculer certains sujets dans une autre dimension. La ronde des séminaristes de la réjouissante série I Pretini (1962-1963) devient alors aussi burlesque que surréaliste. Les clichés réunis dans la dernière section (Io sono nessuno, 1992-1994), étranges visions d’animaux vivants ou empaillés, de fantômes et d’ombres, tendent davantage vers le fantastique. Conclusion rêvée d’un parcours sans faute, au cœur de l’œuvre d’un photographe qui n’a cessé de brouiller les pistes du réel.

« Mario Giacomelli, métamorphoses », PARIS, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, 58 rue de Richelieu, IIe, tél. 01 53 79 59 59, 2 février-30 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°568 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Les visions oniriques de Mario Giacomelli

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