Rencontres d’Arles : la photographie perméable au monde

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 juillet 2005 - 486 mots

Fidèle à ses engagements généralistes, la 36e édition des Rencontres balaie un large spectre photographique. Elle témoigne pour partie de la « tension du monde », mais rechigne à l’exercice imposé de la thématique.

Validées comme l’un des plus importants rendez-vous consacrés à la photographie, Les Rencontres poursuivent leur bonhomme de chemin touffu et marbré, variant sans fléchir, pistes, méthodes et modèles d’exposition. Si avec le temps l’événement a gagné en ampleur et parfois en dispersion, la charpente maintient avec une certaine générosité un parti pris expansif, ouvert à tous vents, à tous temps et à tous registres, pratiques et catégories photographiques. Stimulée par une proportion croissante d’autoproduction issue de fonds privés, la 36e édition ne boude pas son plaisir. Au programme, une moisson d’expositions, pas moins de trois prix – dont on découvre cette année l’ensemble des nominés – des stages, colloques, séminaires et un dialogue (tardif) amorcé avec l’ENSP (École nationale supérieure de la photographie). Et pour toute thématique, une absence de thématique, ou dit autrement un refus malicieux de la griffe, de l’orientation incarnée par un commissaire. En guise de contre-pied (de nez ?) à l’édition précédente, pilotée et médiatisée avec vigueur par Martin Paar, cette année on disperse. Confiant la substance de l’événement à une foultitude de commissaires, les organisateurs des Rencontres ratissent large, oscillant entre prospection et redécouvertes, racontant avant tout une photographie en prise avec le monde.

« Je suis là »
C’est que pour éviter le syndrome de l’auberge espagnole, quelques parentés ou transversales s’imposaient. Le portrait, quelques (re)découvertes, les hommages à Jan Fabre ou à Sarah Moon cadencent la manifestation. Hommage est rendu au Brésil, avec la flamboyance de Miguel Rio Branco ou les offrandes « archéologiques » de Mario Cravo Neto. Le parcours arlésien s’attarde encore sur les Pays-Bas et Geert Van Kesteren, témoignant de la guerre en Irak ou Christien Meindertsma, classifiant selon des modalités cliniques une récolte d’objets « nuisibles », couteaux suisses et autres pinces à épiler saisis aux passagers par les douaniers d’un aéroport. Passeurs, acteurs, témoins des tensions et violences qui se saisissent du monde – guerre en Irak et conflit israélo-palestinien en tête –, les photographes israéliens présents cette année s’en font largement l’écho, à l’image des paisibles collages-paysages tout en poésie vive et douloureuse de Barry
Frydlander ou du graphiste David Tartakover. « Je suis là » nous dit ce dernier, vêtu d’un gilet de sauveteur ou de policier, barré du mot « artiste » au milieu d’une scène cauchemardesque.
« Je suis là », photographe, spectateur ou sujet photographié, mais comment suis-je présent ? C’est encore ce que nous dit la collection No Eyes livrée par W.M. Hunt, brassant anonymes et figures tutélaires de la photographie réunis par la seule révocation du regard, sa dérobade, son absence ou son camouflage. Ou comment faire face. C’est un peu ce que nous disent ces Rencontres 2005.

« Rencontres d’Arles 2005 », ARLES (13), 10 rond-point des Arènes, tél. 04 90 96 76 06, www.rencontres-arles.com, festival 5-10 juillet, expositions 5 juillet-18 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : Rencontres d’Arles : la photographie perméable au monde

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