Robert Couturier

« Avec la sculpture, je m’amuse »

L'ŒIL

Le 1 juillet 2005 - 613 mots

Dernier fondateur vivant du Salon de mai, le sculpteur Robert Couturier vient de fêter ses cent ans ! La fondation Dina Vierny rend tout l’été un vibrant hommage à ce fervent disciple de Maillol.

On connaît le mot de Baudelaire qui dit dans Les Variétés critiques : « Pourquoi la sculpture est-elle ennuyeuse ? » Robert Couturier lui apporte une éclatante contradiction ! Après une jeunesse marquée par le dessin, Couturier entre à l’école Estienne dans un atelier de lithographie. En 1928 il rencontre Maillol qui deviendra son maître. On garde de sa participation en 1937 à l’Exposition internationale des arts et techniques Le Jardinier, une sculpture in situ sur l’esplanade du Trocadéro, et le souvenir des grandioses mannequins placés au pavillon de l’Élégance. C’est avec le Monument à Étienne Dolet que Couturier abandonne la sculpture classique pour s’imposer comme un franc-tireur, avec des formes étirées, aux côtés de Giacometti et de Germaine Richier. Ce monument fut censuré par l’État, et un sénateur ira jusqu’à affirmer que l’œuvre « constituait une offense à l’art français ».
Couturier s’attarde à matérialiser les pensées les plus subtiles par les moyens lourds de la sculpture. Professeur à l’École des arts décoratifs, il sera ensuite chef de l’atelier de sculpture à l’École des beaux-arts. On peut le voir subrepticement en action dans le film Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda. Son art fait de nageuses, de centaures, de sirènes et de faunes est dépourvu de pathétique. Il refuse l’esthétique de l’épouvante et de l’horrible. Pourtant la première sculpture française qui aborde le thème de la déportation fut son Saint-Sébastien. Dans ses pièces se lisent une intelligence plastique, un frémissant souci de la vie. Il aime partir de choses impossibles comme un savon, une planche, une pomme de terre… Il vise à une simplification des masses articulées par plans et comme Maillol veut « réduire vingt formes en une ».

Évoquer plutôt que faire
On trouve toujours dans ses créations la recherche d’un équilibre, une stabilité, fruit d’une action où la lumière joue un rôle important et contribue à la suggestion du dynamisme des masses. Il a un goût de l’ordre et l’esprit de géométrie, une nostalgie du classicisme qui correspond à ses racines profondes. Pour lui « une œuvre d’art est une réponse affective que l’artiste adresse au monde […] faite de tendresse, d’ironie, de gravité, d’émerveillement, de tout ce qui fait un homme. Et surtout d’espoir ». Ses formes sont ouvertes et acquièrent une légèreté aérienne. La charpente pénétrée d’air et de lumière cerne le vide qui constitue son élément essentiel. La poésie se découvre jusque dans les titres : Comme une herbe dans l’eau ; Son voile qui volait ; Vaguement sphérique… Il précise : « Ma sculpture est un langage suggéré. Je trouve qu’il est plus intéressant d’évoquer que de faire. » Souvent les formules ironiques fusent chez ce maître centenaire ; il aime à dire : « La vie est une affaire délicate, dont il faut se tirer avec honneur… J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, tellement de chance que je serais scandalisé que ça s’arrête ! » Robert Couturier est resté fidèle à un art français, fini, artisanalement travaillé. En parcourant cette merveilleuse rétrospective on peut paraphraser Rodin à propos de Maillol : « Savez-vous pourquoi c’est beau Couturier ? C’est parce que ça n’accroche pas la curiosité ! » Couturier sculpte avec humour la vie des formes et l’énergie qui les anime. Il confesse : « La vérité, c’est qu’avec la sculpture, je m’amuse ! » Il propose une écriture poétique de l’espace. Chacune de ses pièces révèle une charge humaine à fleur de bronze.

Rétrospective Robert Couturier, PARIS, fondation Dina Vierny-musée Maillol, 61 rue de Grenelle, VIIe, tél. 01 42 22 59 58, 23 juin-19 septembre. Avec 15 photos de Frank Horvat sur les sculptures de Couturier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : Robert Couturier

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