Le classement 2005 des musées de beaux-arts en France

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 1 juillet 2005 - 1165 mots

Six mois après la parution d’un premier classement, L’Œil et Le Journal des Arts proposent un nouveau palmarès des musées français, élargi aux musées scientifiques, archéologiques et ethnologiques. Du musée de Tahiti aux plus prestigieux « palais des muses » parisiens et provinciaux, ce sont ainsi plusieurs centaines de musées qui ont été sollicités pour cette enquête. Comme un musée ne saurait être jugé à l’aune de sa seule fréquentation, les critères d’évaluation se sont concentrés sur les trois missions principales de tout musée : conserver, mettre en valeur (attrait) et faire connaître (accueil). Le croisement de ces données a permis l’établissement de ce classement qui, s’il fait la part belle aux musées à forte notoriété, laisse aussi la place à quelques outsiders.

 Le top 30 des musées

Assurément, la tête du classement général est occupée par les incontournables musées du Louvre (1er) et d’Orsay (2e). Avec son concentré de chefs-d’œuvre, sa brigade de soixante conservateurs, ses seize expositions temporaires annuelles et son chiffre record en 2004 de 6,6 millions de visiteurs, le musée du Louvre – qui joue plutôt dans la cour des grands musées internationaux comme l’Ermitage de Saint-Pétersbourg ou le Metropolitan de New York – ne pouvait évidemment qu’occuper la première place. Mais il est aussi victime de son succès et la saturation actuelle de ses espaces d’accueil rend désormais urgente la ré­ouverture d’entrées complémentaires aux espaces sous-pyramide, condamnées lors des travaux du Grand Louvre. Malgré ces poids lourds, quelques établissements viennent heureusement créer la surprise. Ainsi du musée d’Art moderne Lille Métropole de
Villeneuve-d’Ascq qui, outre son excellente 3e place au général, emporte aussi la tête du sous-classement « Conservation ». Une reconnaissance incontestable pour le travail mené par l’équipe de Joëlle Pijaudier-Cabot dans ce musée ouvert en 1983. Avec modestie, sa directrice précise toutefois que « l’explication provient en très grande partie de Lille 2004 » et des moyens particuliers qui lui ont été alloués grâce à cet événement.

Musées en région bien classés
La province est d’ailleurs loin d’être en reste dans ce classement général où figurent en très bonne place des sites tels que le musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg (6e) ou le musée des Beaux-Arts de Rouen (7e). Ce dernier surmonte pourtant quelques handicaps (proximité de la capitale, absence d’espace cafétéria, auditorium de taille réduite) mais offre en contrepartie un atout indéniable : ses conditions tarifaires, avec un droit d’entrée de 3 euros et cinquante-cinq jours de gratuité par an. Plusieurs autres musées de beaux-arts de province – dont le noyau des collections fut naguère constitué par les dépôts du Muséum central – se placent dans le peloton (Nancy, 15e ex æquo ; Dijon, 17e ; Nantes, 30e), avec une fréquentation qui tourne autour des 70 000 visiteurs, à l’exception notable de Dijon qui a dopé l’an passé ses chiffres (plus de 200 000 visiteurs) grâce à l’exposition « Rembrandt et son école dans les collections du musée de l’Ermitage » (près de 80 000 visiteurs à elle seule). Plus inattendue est la 25e place du musée d’Art et d’Histoire de Brive-la-Gaillarde, logé dans le bel hôtel Labenche. Il monte dans le classement grâce à un budget d’acquisition relativement élevé (plus de 120 000 euros) et à la diversité de ses collections.
Si celle-ci peut être un atout pour les musées de beaux-arts, quelques musées plus spécialisés tirent leur épingle du jeu. C’est le cas notamment du « nouveau » musée Matisse du Cateau-Cambrésis (18e) mais aussi du musée des Arts et Métiers (23e), rarereprésentant des musées scientifiques, qui offre d’excellentes prestations en terme d’accueil depuis sa rénovation. L’art contemporain, globalement peu représenté, bénéficie des bonnes places des Abattoirs de Toulouse (19e ex æquo) et du CAPC de Bordeaux (19e ex æquo), réputés pour leurs expositions temporaires (six à sept expositions par an). On notera également la présence dans ce top 30 de deux musées nationaux qui recréent par l’architecture et les collections des ensembles cohérents : le musée national de la Renaissance logé dans le château d’Écouen (28e) et le musée national du Moyen Âge à Paris (27e).

Les musées du Nord-Pas-de-Calais se placent en tête

La région de France la plus riche en musées peut aussi se targuer de la qualité de ses établissements : trois d’entre eux se retrouvent ici parmi les dix premiers (musée d’Art moderne Lille Métropole, 1er ; musée Matisse, 4e ex æquo ; musée d’Art et d’Industrie/La Piscine, 7e ex æquo). S’il est difficile d’évaluer précisément la manière dont le musée remplit la fonction primordiale de conservation des œuvres, quelques indices permettent toutefois d’esquisser une tendance. La faiblesse des effectifs handicape souvent les musées territoriaux où les conservateurs sont absorbés par la gestion administrative, et ne consacrent parfois que 10 % de leur temps à la conservation. Rien à voir avec les grands établissements où ce taux dépasse souvent les 75 %. L’enrichissement des collections et les budgets qui lui sont consacrés sont aussi un critère d’évaluation. Ainsi du musée de la Chasse et de la Nature à Paris, qui occupe de manière inattendue la 7e position ex æquo : ce musée privé vit des revenus d’un legs et peut ainsi bénéficier de 325 000 euros par an pour ses acquisitions.

Les vertus d’une bonne animation culturelle

Dès lors que la notoriété seule n’attire pas des hordes de visiteurs, la préoccupation constante des responsables de musées est d’éviter l’assoupissement de l’institution. Il s’agit donc de valoriser au mieux les collections et de créer un pôle d’animation culturelle par le biais des expositions, rencontres, colloques, concerts… susceptibles de drainer un public renouvelé. En moyenne, les dix premiers musées organisent ainsi dix expositions par an. Mais la quantité n’est en rien un gage de qualité et de réussite. Villeneuve-d’Ascq en donne à nouveau l’exemple : une des quatre expositions annuelles (« Mexique-Europe ») aura suffi à drainer à elle seule 160 000 visiteurs – et mécènes ! Le rayonnement du musée se mesure aussi à la circulation de ses œuvres hors les murs, par le biais de prêts pour des expositions temporaires. Si le Louvre conserve sa réputation méritée de mauvais prêteur (la moitié seulement de ce qu’il reçoit en prêt !), le Musée national d’art moderne en détient le record avec plus de 6 500 œuvres en mouvement.

Les grands établissements montrent la voie

Les qualités d’accueil peuvent s’envisager à deux niveaux : celui des équipements (cafétéria, librairie…) et celui de la médiation envers le public. Si les musées récents ou rénovés sont les plus performants sur le premier point, le second est l’affaire de tous. Désormais on ne parle plus du mais des publics, et leurs spécificités sont prises en compte grâce à une politique tarifaire et une offre pédagogique adaptées – scolaires, publics défavorisés, étrangers, handicapés. L’accueil pour les handicapés a ainsi été sensiblement amélioré. On regrette toutefois que plusieurs grands musées fassent pâle figure sur ce point, tels le château de Versailles, le musée des Beaux-Arts de Dijon, le musée national du Moyen Âge ou le musée Carnavalet, avec moins de 70 % des surfaces d’exposition accessibles. L’argument invoqué de l’installation dans des monuments historiques difficiles à aménager ne paraît en effet plus recevable. Les malvoyants sont eux aussi pris en compte – mais encore insuffisamment –, grâce à des visites spécifiques ou à l’aménagement de salles de sculpture tactiles.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : Le classement 2005 des musées de beaux-arts en France

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