Islam et abstraction, dialogue

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 septembre 2005 - 350 mots

Les arts de l’Islam, sans représentation de figures et avec une extrême stylisation de motifs, ont attiré de nombreux artistes contemporains, à commencer par ceux de l’art concret.

Toute religion est porteuse d’une vision du monde et de l’au-delà du monde, et toute religion statue d’emblée sur la possibilité de figurer cet au-delà. À cet égard, l’art musulman s’est très tôt caractérisé par une attitude aniconique – et non iconoclaste ou iconophobe. En cela, il a suivi les instructions édictées par le prophète déconseillant l’utilisation de tout objet décoré d’un quelconque motif figuratif. Soucieux de protéger ainsi l’absolue transcendance divine de toute trace d’anthropomorphisme, l’art musulman a privilégié la stylisation des motifs végétaux puis fait place à une décoration de plus en plus géométrique. Dès lors que  l’abstraction est apparue au début du xxe siècle et qu’elle s’est notamment développée sur un versant plus construit que lyrique, tel que l’illustre l’art concret, rien d’étonnant que cette tendance-là se soit pour partie inspirée des arts du monde arabo-musulman. Figure pionnière en ce domaine, Frantisek Kupka n’a jamais caché son intérêt pour cette abstraction ornementale et il en a loué le « chant rythmique de l’esprit ». Sur cette base de réflexion et à l’instigation de Gottfried Honegger, représentant historique de l’art concret, a été conçue l’exposition de Mouans-Sartoux. Les commissaires ont choisi d’en articuler le parcours autour de la figure de François Morellet. Maître ès déclinaisons et constructions géométriques en tous genres, celui-ci reconnaît bien volontiers l’influence qu’ont pu notamment opérer sur ses recherches les décors de l’Alhambra de Grenade. Comme il en est des arts de l’Islam en général, de ses jeux d’entrelacs, de ses lignes serpentines et de ses motifs aux formes épurées et répétées, sur toute une production contemporaine. Ainsi des œuvres ici réunies de Karl Gerstner, de Vera Molnar, de Tania Mouraud ou de Bernard Frize, et dans une influence à rebours de Mehdi Moutashar. Un dialogue subtil et enrichissant.

« Le chant rythmique de l’esprit. Arts de l’Islam et Abstraction géométrique », Mouans-Sartoux (06), Espace de l’art concret, château de Mouans, tél. 04 93 75 71 50, 4 juillet-8 janvier 2006.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°572 du 1 septembre 2005, avec le titre suivant : Islam et abstraction, dialogue

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque